L'assurance et l'innovation aux multiples visages

L'assurance et l'innovation aux multiples visages

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
29 septembre 2022 - 5 minutes

Si l’on devait choisir un mot pour qualifier le monde du 21e siècle, ce serait certainement transformation. Ou même, transformationS. Nos sociétés se trouvent en effet confrontées à des bouleversements majeurs, à bien des niveaux. Le progrès technologique et scientifique en est un, évidemment. La démographie, l’économie, d’autres. De nouvelles attentes et espérances sociétales, portées notamment par les jeunes générations, viennent également secouer les lignes. Et que dire alors du défi climatique.

Dans un monde qui bouge, les attentes sont toujours très fortes envers les acteurs financiers. Notre époque ne déroge pas à la règle. Rien de surprenant, donc, à voir les citoyens se montrer de plus en plus exigeants face à l’assurance. Fortement pressurisé, comment s’en sort le secteur ? Capgemini Invent a convié un très beau panel pour faire un état des lieux au cours d’une matinée sur le thème : « L’engagement des assureurs pour une économie plus responsable ».

Quand l’innovation devient plurielle

On a souvent tendance à cantonner l’innovation dans une définition restrictive en l’associant à la technologie. Pourtant, innover, c’est applicable à tous les domaines ! L’assurance doit évidemment miser sur la transformation digitale pour adresser les défis qui se présentent à elle. Mais ça ne suffit pas, ou plus. Elle doit aujourd’hui intégrer d’autres dimensions. « On a besoin d’une innovation écologique et sociale, mais aussi d’insuffler un souffle nouveau dans la gouvernance et la gestion d’entreprise », appuie ainsi Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif.

L’idée de ce changement nécessaire semble avoir fait son chemin dans le secteur. Mais se transformer demande de la méthode… et du courage. « La résistance au changement vient de la fidélité au passé », résume très justement Thibault Lanxade, lui qui a complètement réinventé une entreprise centenaire, Jouve, aujourd’hui connue sous le nom de Luminess.

Catherine Touvrey de son côté, a évoqué les changements induits par la montée en puissance de l’ESS chez Harmonie Mutuelle. Pour un groupe de cette taille, qui protège 5 millions d’individus, voici un immense chantier, avec des implications à tous les niveaux, sur le business model comme dans l’organisation interne. Mais c’était une démarche nécessaire « pour se remettre en face des clients » selon les mots de la Directrice générale.

La MAIF, « role model » sur l’innovation au service de l’engagement

Quand on pense à l’engagement dans le monde de l’assurance, un nom vient immédiatement à l’esprit : la MAIF. L’assureur niortais a, il faut le dire, enfilé le costume de pionnier sur pas mal de sujets. Il a notamment été le premier acteur du secteur à devenir une société à mission en 2019. Un an plus tard, l’entreprise marquait de nouveau les esprits en reversant 100 millions d’euros à ses sociétaires détenteurs d’un contrat auto, au cœur de la pandémie.

Devenir une entreprise à mission, ça nous engage dans quelque chose d’irréversible. C’est impossible de revenir en arrière. L’image change, les attentes vont donc changer.

Pascal Demurger

Pascal Demurger, invité à la conférence, en a profité pour détailler sa vision. Des actions fortes appuient cette dernière. Celles que les sociétaires et le grand public voient directement (désengagement des énergies fossiles, favoriser les pièces de réemploi, etc.). Mais aussi celles que l’on ne voit pas. « Nous agissons à travers nos placements et à travers l’IT. Par ailleurs, nous cherchons à être citoyen sur la question des données personnelles, mais aussi sur le volet écologique. On utilise par exemple la chaleur des serveurs pour chauffer le siège. De nombreuses initiatives sont mises en œuvre, c’est vraiment pluriel », précise le DG.

Cette stratégie débouche sur des résultats probants. La MAIF a ainsi enregistré un record historique de croissance de sociétaires en 2021, et 2022 devrait être encore mieux. Pascal Demurger ne compte toutefois pas s’arrêter en si bon chemin, et articule son ambition autour de trois piliers :

  • placer la question de la recherche d’impact au cœur même du pilotage ;
  • démontrer, chiffres et modélisation à l’appui, comment l’engagement crée de la valeur à moyen terme ;
  • contribuer à un mouvement plus large d’engagement des entreprises, par l’exemplarité et le dialogue avec les pouvoirs publics, notamment.

La MAIF souhaite aussi rayonner au-delà de l’assurance pour incarner l’image d’une marque du bien commun. C’est en ce sens qu’elle s’est rapprochée de la CAMIF il y a un an. Une alliance logique avec un acteur qui partage les mêmes valeurs. Emery Jacquillat, Président de la société de e-commerce, a ainsi lui aussi engagé son entreprise dans une profonde mais nécessaire mutation. « Les renoncements d’aujourd’hui sont les profits de demain. Parce que tout est lié à l’alignement, qui fera la fierté des collaborateurs et convaincra les clients », a-t-il précisé.

Travailler sur la question du « faire-savoir »

La dernière table ronde de la journée a également réuni des figures incontournables du secteur. Eric Chenut, avec sa verve habituelle, a notamment rappelé la nécessité d’avancer sur la question des données personnelles. « Si on veut faire du digital un levier puissant de réduction des inégalités, il faut qu’on accepte l’utilisation de la donnée. Ce qui est freiné actuellement par le contexte réglementaire en France », a rappelé le président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française.

Franck Le Vallois, Directeur général de France Assureurs, a pour sa part illustré les impacts du changement climatique à l’aide de chiffres qui brûlent les yeux. Sur ce sujet, l’assurance qui identifie le problème depuis un moment déjà, se trouve également en première ligne, et pleinement engagée. Enfin, Djamel Souami a dévoilé les ingrédients qui doivent permettre aux assureurs de réussir leur transformation : volonté politique, vision stratégique et exécution. « L’ADN historique et les déclarations ne suffiront pas », a ainsi martelé le DG de CetteFamille.

Depuis toujours au chevet des sociétés en mouvement, l’assurance doit aujourd’hui accompagner des transformations plurielles, à la fois écologiques, économiques, sociétales et… digitales, forcément ! Innover, sans cesse, pour appuyer le monde et les hommes dans leur marche vers l’avant. Dans les paroles comme dans les actes, de nombreux assureurs se déploient pour s’acquitter de cette noble mission. Désormais, travailler sur le « faire-savoir » et la mise en lumière de leurs initiatives ne serait peut-être pas une mauvaise idée.