Arrête-moi si tu peux ! Quelles stratégies pour les assureurs face à la fraude ?

Arrête-moi si tu peux ! Quelles stratégies pour les assureurs face à la fraude ?

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
01 décembre 2023 - 6 minutes

La fraude est un phénomène inhérent à toute société humaine. Pour l’individu, la tentation est parfois grande de réaliser quelques économies, voire même de contourner le système pour s’enrichir. Surtout à une époque où il n’a jamais été aussi facile de se muer en apprenti fraudeur !

Tous les secteurs sont impactés par ce fléau, et l’assurance n’y échappe évidemment pas. Mais où en est-on exactement en 2023 ? Finovox, insurtech spécialiste du sujet, a profité d’un événement organisé par ses soins pour faire le point et solliciter l’avis des experts. Entre chiffres qui brûlent les yeux et stratégies nouvelles, découvrez des insights qui invitent l’écosystème à enclencher la seconde.

Chiffres fraude

Un phénomène en chiffres

Pour prendre la mesure d’un phénomène aussi protéiforme que la fraude, rien de tel que des statistiques. Voici donc 4 chiffres qui devraient vous convaincre de l’ampleur du chantier :

  • 5,8 milliards €, soit le coût de la fraude à l’assurance par an en France ;
  • Un assuré sur cinq a déjà fraudé son assureur. Et 24% des Français seraient plus enclins à passer à l’acte en raison du contexte économique actuel – propension qui monte à 49% chez les 18-30 ans.
  • 57% des fraudes sont basées sur un faux document. Et dans 90% des cas, ce dernier n’est jamais identifié.
  • Pour 41% des assureurs, garder le rythme face à la sophistication grandissante des fraudeurs demeure le plus gros challenge sur le sujet.

Vous l’avez compris, la fraude représente une tendance à la hausse qui ne devrait pas faiblir. En cause, un contexte inflationniste incitateur, forcément. Et, en parallèle, des méthodes novatrices qui se développent à grande vitesse.

C’est ici le côté obscur du digital et de l’innovation. Finovox a, en effet, répertorié plus de 350 méthodes différentes pour falsifier un document. Le spectre est large et varié, allant du traditionnel Photoshop ou éditeur de PDF, à des choses plus complexes comme le dark web ou l’auto-génération de document grâce à l’IA générative.

Avec les réseaux sociaux, les professionnels ont pu développer un véritable business de « fraud-as-a-service ». Sur des groupes Telegram ou Discord dédiés, il est désormais très simple de se procurer des pièces pour passer à l’action. 2 500€ pour un passeport biométrique ou 30€ pour une facture à envoyer à son assureur, un paiement par Apple Pay, et l’affaire est ficelée.

Apparues aux États-Unis, ces méthodes inondent aujourd’hui la France. Les assureurs constatent d’ailleurs les dégâts. Mais comment adressent-ils actuellement le sujet ?

Les insurtechs intègrent l’équation

Insurtechs fraude

Il n’existe pas une seule manière d’adresser la fraude, ainsi que l’ont bien exposé les professionnels de l’assurance présents lors de la conférence. Et le sujet est évidemment loin d’être neuf.

Chez Malakoff Humanis, cela fait maintenant une décennie que l’on travaille la question. Anthony Jabre explique que l’assureur a fait le choix d’une démarche en interne. Plusieurs raisons ont guidé cette stratégie. Tout d’abord, la volonté de s’inscrire dans un ROI à long terme. Certes, le coût de départ est élevé sur le plan technologique, mais le « fait maison » doit conduire à des gains substantiels sur la distance.

C’est ensuite une orientation dictée par l’objectif de tirer le meilleur de l’expertise humaine sur le sujet.

Nous voulons des gestionnaires augmentés. Et pour cela, il faut les impliquer directement dans la conception de la solution. Nous poussons cette logique très loin, en les incitant notamment à travailler directement avec les data scientists.

Anthony Jabre, Directeur médical et maîtrise de la sinistralité chez Malakoff Humanis

Du côté de BNP, l’approche est davantage hybride. « Nous cherchons à déployer les bons outils, pour les bons besoins », précisé Anne-Lise Escoffre. Le groupe ne va donc pas hésiter à acheter parfois des solutions et de la data en externe sur certaines niches.

Il y trouve un bon complément à la stratégie « custom » mise au point en interne, avec le fameux ROI qui entre toujours en ligne de compte pour arbitrer. Quant à l’humain, il demeure extrêmement présent, notamment pour veiller aux fortes obligations réglementaires et légales propres à l’assurance.

Quid des insurtechs dans ce plan de bataille ? On pense en premier lieu à Shift Technology dont les partenariats avec des assureurs ont déjà produit de solides résultats. Mais d’autres spécialistes de la lutte contre la fraude, intervenant sur différents segments, ont vu le jour dans le sillage de la pionnière, comme la Néerlandaise FRISS ou l’Israélienne nSure.ai.

Et bien évidemment Finovox. La startup fondée par Marc de Beaucorps a récemment passé la seconde sur le secteur assurance, venant répondre à un besoin identifié. Spvie, Luko, Coverd ou Kozoo ont déjà fait appel à son savoir-faire, et les bénéfices sont au rendez-vous. Finovox annonce en effet avoir détecté 5 millions € de fraude sur l’année 2023. Une preuve venant appuyer la pertinence d’inclure les insurtechs dans une lutte collective.

Des réponses dans le collectif

Fraude collectif

Le collectif comme réponse, voici un autre enseignement fort exprimé lors de la conférence. Comme sur le risque cyber ou climatique, les acteurs se sentent de plus en plus démunis face un risque endémique et au caractère exponentiel. Ou, a minima, prennent conscience qu’il devient de plus en plus délicat d’avancer seul.

« C’est devenu comme la Formule 1. On arrive à un degré de sophistication où il est difficile de faire la différence entre le premier et le deuxième, image Anthony Jabre. Il faut investir massivement si l’on veut suivre le rythme des fraudeurs et conserver un ROI efficace sur nos actions. Mais il y a aussi un paramètre de maîtrise des coûts à prendre en considération. D’où l’idée de trouver le bon équilibre et de commencer à regarder vers l’extérieur. »

Anthony Jabre a notamment évoqué le sujet de la santé, qui concerne directement Malakoff Humanis. Sur ce segment, la coopération entre assureurs est en retard par rapport à ce qui se fait sur l’IARD.

Pourtant, il y a un fort enjeu à adresser, à l’heure où la maîtrise des dépenses globales en santé passe nécessairement par un meilleur contrôle du système de l’Assurance maladie. Une clé de la solution réside dans les données détenues par la CNAM, et le partage de cette mine d’or avec les assureurs.

Cette problématique de la data est également au cœur des préoccupations chez BNP. « Le recours à plus de data sharing et à des données externes fera partie de nos bonnes résolutions en 2024 », a précisé Anne-Lise Escoffre. Avec toujours l’objectif d’être capable de mieux anticiper et, surtout d’impliquer désormais tout le monde.

Il faut libérer la parole. Prévenir, partager, parler de ce qui a pu vous toucher. Et surtout, veiller sur vos proches qui peuvent être des cibles.

Anne-Lise Escoffre, Cyber-fraud Prevention Prog leader chez BNP

Du côté des insurtechs, on partage évidemment cette approche. Finovox est même allé plus loin en créant un groupe WhatsApp spécialement conçu pour le partage d’expérience entre professionnels. Les fraudeurs sont prévenus. La résistance s’organise dans l’assurance, qui compte bien sur l’innovation pour freiner leurs ardeurs !

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