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Le "AXA Circus Show" et la question de l'assurance des véhicules électriques

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
15 septembre 2022 - 4 minutes

Et si on entamait la rentrée avec un « bad buzz » bien ficelé ? C’est manifestement la stratégie retenue par AXA Suisse, qui nous a servi un épisode que l’on qualifiera gentiment d’absurde fin août. Petit rappel des faits. À l’occasion d’une démonstration visant à sensibiliser sur les risques d’accidents au volant d’un véhicule électrique, l’assureur a propulsé une vieille Tesla Model S sur un tremplin. L’engin a décollé, s’est retourné, puis embrasé. Le crime était presque parfait… sauf que !

En visionnant les images, on se rend bien vite compte que quelque chose ne va pas. Et ça n’a évidemment pas échappé à la vigilance des experts allemands de 24auto. Ils ont rapidement dévoilé le pot-aux-roses. Il n’y avait en réalité aucune batterie dans le véhicule. Afin d’être bien certain que le feu se déclenche, Axa les avaient remplacées par des dispositifs pyrotechniques. L’assureur a avoué la supercherie, se lançant dans un long mea culpa au final peu convaincant.

AXA joue avec le feu… et se brûle les doigts !

La question, désormais, est : pourquoi donc cette mascarade ? Dans ses excuses, AXA livre une précision importante.

Les statistiques d’AXA Suisse mettent en lumière que, par rapport aux conducteurs et aux conductrices de véhicules traditionnels à combustion, les propriétaires de voitures électriques sont responsables de 50% de collisions en plus occasionnant des dommages à leur propre véhicule. […] C’est sur ces résultats statistiques que nous avons voulu attirer l’attention lors des crash tests de cette année, tout en présentant les dangers qui peuvent survenir lors d’accidents impliquant des voitures électriques.

La séance devait, en effet, servir les besoins d’une étude et d’un sondage. Ces deux documents, aux accents particulièrement anxiogènes, mettent en lumière deux choses. D’un côté, les inquiétudes de la population dans l’utilisation des nouveaux véhicules électriques. De l’autre, les risques liés à ces derniers, avec quelques chiffres qui font froid dans le dos.

Sachant que 78% du parc automobile devrait être composé de véhicules utilisant l’électricité (BEV, HEV ou PHEV) à l’horizon 2025, difficile de ne pas voir une manœuvre opportuniste de la part de l’assureur. En effet, si ces nouveaux véhicules sont effectivement bien plus dangereux, l’assuré ne devrait rien trouver à redire si sa prime d’assurance est calibrée sur ce niveau de risque supérieur. On ne connaîtra probablement jamais les raisons profondes ayant motivé l’opération. Chose certaine, toutefois, c’est bien qu’AXA a joué avec le feu et s’est brûlé les doigts sur ce coup !

Le véhicule électrique, un séisme pour les assureurs

La farce signée AXA a néanmoins eu un mérite : soulever le sujet assurance x véhicule électrique. Les professionnels de l’assurance auto s’apprêtent à faire face à un profond changement de paradigme. Et ça va aller très vite ! Munich Re vient d’ailleurs de dévoiler un rapport sur la question. Le réassureur soulève plusieurs points d’attention :

  • quels sont les nouveaux risques liés au véhicule lui-même et aux potentiels nouveaux comportements de conduite ?
  • Comment faire face au manque de données historiques ?
  • Et quel(s) impact(s) et changement(s) sur les sinistres (importance des batteries notamment) ?

Les voitures électriques sont globalement moins sujettes à accidents graves (davantage d’électronique embarquée, modèles plus haut de gamme, meilleur positionnement des masses, auto-pilot, conduite plus apaisée). A l’inverse, le coût des réparations s’annonce sensiblement plus élevé, et la problématique des feux de batterie est bien réelle.

Pour le monde de l’assurance auto, immuable depuis des décennies, c’est donc un véritable séisme qui s’annonce. Les divisions actuarielles vont entrer en ébullition. Et il faudra être aux acteurs traditionnels bien malins pour se repositionner sur l’échiquier. Des initiatives voient déjà le jour, à l’image de Singlife with Aviva qui, à Singapour, prend désormais en charge les véhicules électriques en offrant même une remise de 10% aux propriétaires.

Ce nouveau marché représente également une aubaine pour les insurtechs. En France, Joltee s’est par exemple déjà engouffrée dans la brèche et peut ambitionner de belles choses. Enfin, et c’est un point majeur, les constructeurs devraient logiquement de plus en plus internaliser l’assurance dans leur offre. La data s’affirme comme un puissant « game changer ». Il y a dès lors fort à parier que l’assurance des véhicules électriques passera largement à l’avenir par des modèles ‘à la Tesla. Gardez les yeux bien ouverts : nous ne sommes qu’aux prémices d’un grand chambardement !