L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition avril 2024

L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition avril 2024

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
11 avril 2024 - 8 minutes

Ça bouge dans le microcosme de l’assurance ! L’innovation aux multiples visages se trouve plus que jamais au cœur des enjeux en 2024. Afin d’analyser les tendances de fond, nous faisons appel à l’œil de Florian Graillot et aux experts d’Astorya pour concocter un contenu spécialement pensé pour les pros du secteur : « L’assurance en effervescence, le baromètre ! »

👀 L’œil du VC Florian Graillot

Les annonces d’insurtechs allemandes stoppant leurs activités en France s’enchaînent. Des échecs qui invitent à réfléchir sur la réplicabilité des modèles, et sonnent aussi comme un avertissement pour les entrepreneurs des deux côtés du Rhin.

Florian Graillot

France x Allemagne, amour impossible ? Après les annonces surprises de Finlex et Getsafe, voici Thinksurance qui appuie à son tour sur le bouton stop dans l’Hexagone. Une décision qui survient moins d’un an après avoir réalisé une solide Série B de 22 millions d’euros.

A l’instar de ses compatriotes, la startup de Francfort ne devait pas composer avec une situation financière spécialement compliquée. Les stratégies ont toutefois évolué ces derniers mois dans les insurtechs, se structurant autour de plusieurs maîtres mots : pragmatisme, frugalité, rentabilité. En conséquence, elles sont nombreuses à se recentrer sur leurs marchés locaux, ou à mettre en pause les projets d’internationalisation.

Pour Thinksurance, on peut donc logiquement en déduire que la direction a jugé la dynamique française insuffisante après deux années d’exercice. Un échec qui invite toutefois à la réflexion. Notamment autour d’un point, la réplicabilité des modèles dans l’assurance, un secteur qui s’exporte peu de manière générale.

Pour prendre l’exemple de la France, peu d’acteurs, à part AXA, mènent des activités hors de nos frontières. De Covéa à l’intégralité du monde mutualiste, ils se concentrent sur un business exclusivement franco-français. Et c’est un pattern que l’on retrouve en Europe, avec généralement un ou deux gros acteurs qui sortent des frontières par pays, guère plus (Allianz, Generali, Mapfre).

Côté insurtech, malgré l’agilité inhérente à ces structures, il n’est donc pas évident de s’exporter. Sur le B2C, un seul exemple de réussite notable nous vient à l’esprit, avec Getsafe qui a aimanté plus de 100 000 clients au Royaume-Uni – mais s’est donc cassé les dents en France. Pour toutes les autres qui ont tenté l’aventure, l’étranger demeure une part mineure de leur activité.

Les startups dont la proposition de valeur repose davantage sur la technologie, qui elle n’a pas de frontière, semblent avoir plus de chance de s’imposer hors de France. On pense notamment à des pépites comme Akur8 ou +Simple qui sont de très belles réussites en la matière. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’ont véritablement apposé leur empreinte en Allemagne.

Cela nous ramène à la question : est-il possible pour nos insurtechs de percer outre-Rhin, et inversement ? Plusieurs points de vigilance doivent être soulevés.

Premièrement, il convient de rappeler la particularité du paysage insurtech allemand. En effet, wefox, qui demeure l’insurtech la mieux valorisée de l’écosystème européen, est l’arbre qui cache la forêt. Derrière, seules quelques noms sont parvenus à se démarquer, et la relève se fait attendre. Une anomalie alors que la scène startup allemande se révèle par ailleurs particulièrement dynamique.

Ensuite, l’Allemagne semble de manière générale privilégier les acteurs locaux. Il faut donc posséder déjà une assise financière très solide avant de s’y attaquer, être capable de nouer des liens et s’appuyer sur les réseaux locaux.

Enfin, le M&A est souvent une fausse bonne idée. Il peut en effet devenir une initiative compliquée et potentiellement périlleuse – Luko est ainsi bien placé pour en parler.

Intuitivement, il semble normal de tourner les yeux vers notre voisin, pour son économie et sa démographie, au moment de penser expansion. Au regard des réserves soulevées précédemment, nous n’aurions toutefois qu’un conseil à donner aux entrepreneurs de l’insurtech tricolore : réfléchissez-y à deux fois avant de franchir le Rhin !

🧐 La startup à suivre : Acheel, une insurtech définitivement pas comme les autres !

Acheel, c’est un peu un ovni dans le paysage insurtech. Son arrivée tonitruante sur le marché il y a trois ans, avec un seed de 29 millions d’euros et le soutien de Xavier Niel, avait donné le ton. La personnalité truculente de son CEO, Ralph Ruimy, détonne également dans un univers souvent feutré. Et il y a évidemment ce modèle hybride, fait de B2C et de portage de risque grâce aux agréments obtenus auprès de l’ACPR, qui fait du néo-assureur une espère à part.

Mais que donne dans les faits ce cocktail savoureux sur le papier ? Et bien, les résultats sont déjà là, particulièrement prometteurs. Jugez plutôt. En 2023, l’entreprise a attiré 157 millions d’euros de primes, doublant son chiffre d’affaires. Elle a dans le même temps atteint le cap symbolique des 500 000 assurés, pour 412 000 contrats. Enfin, Acheel confirme avoir atteint la sacro-sainte rentabilité, avec un résultat net de 1,025 million d’euros avant impôts, grâce notamment à un ratio s/p de 72%.

Les chiffres sont significatifs et prennent une résonnance toute particulière dans un contexte récent où la viabilité du modèle insurtech a pu être questionnée. Cette réussite précoce, Acheel la doit à l’efficacité de son approche, basée sur la diversification. A la maîtrise de ses coûts d’acquisition également. Aussi à sa technologie, qui lui permet d’optimiser la gestion et les dépenses au quotidien. Tout cela découlant de l’expérience et de la fine connaissance du secteur de son équipe dirigeante.

Ne faisant décidément rien comme les autres, Acheel vient, dans la foulée de la publication de ses résultats, d’enchaîner avec une annonce choc. L’insurtech va en effet ouvrir sa première agence physique en mai. Un move audacieux à l’heure où l’on a pris l’habitude d’opposer les distributeurs 100% digitaux aux réseaux du terrain.

Alors, coup de com’ ou nouveau coup de maître ? Nous suivrons avec attention cette initiative, qui vient également confirmer un sentiment. Acheel, c’est au final une compagnie tech avec un ADN assurantiel très traditionnel. Et c’est peut-être là que se trouve la recette de son succès.

🌀 Le « game changer » : l’IA, risque émergent identifié ! Quels enjeux côté assurance ?

L’intelligence artificielle, et encore plus particulièrement sa version générative, coche les cases du game changer en puissance. On parle ici d’une technologie qui va s’infiltrer et impacter toutes les strates de la société. Forcément, les risques associés ne sont pas neutres.

Les experts ont d’ailleurs déjà bien identifié la menace. L’IA émergeait ainsi au 4e rang du dernier AXA Future Risks Report, par exemple. Les publications abordant le sujet se multiplient. Toutefois, il faut bien faire la différence entre des risques à caractère prospectiviste – comme les impacts de l’IA sur le monde du travail – et des enjeux plus triviaux, mais déjà bien réels.

On pense notamment à trois axes :

  • la propriété intellectuelle, et le potentiel usage souvent involontaire mais illégal de contenu sous copyright dans les modèles, qui peuvent conduire les utilisateurs devant les tribunaux ;
  • la disponibilité des infrastructures. 50 pannes de ChatGPT, avec une durée moyenne de 2,5 heures, ont été remontées en 2023. Les impacts peuvent être lourds pour un service client câblé sur cet outil.

L’accessibilité et la sécurisation des infrastructures d’IA devient donc un enjeu opérationnel. Comme la connexion Internet fut un temps, ou le cloud plus récemment. Les assureurs ont ici un rôle à jouer, et des opportunités à explorer.

Plusieurs startups – citons notamment Vouch Insurance, Amilla AI, Parametrix ou SydeLabs – travaillent d’ailleurs déjà sur ces sujets d’assurabilité de l’IA. Qui impliquent le recours à de nouveaux jeux de données, l’élaboration d’algorithmes dédiés et la recherche de capacités.

Une démarche qui ramène aussi l’assurance à son rôle originel et fondamental : celui de rouage essentiel pour accompagner le progrès des hommes et du monde.

💰 Les principales levées du mois dernier en Europe

Les compteurs se sont quelque peu emballés du côté des levées de fonds en mars. Mais gare à toujours bien lire ces opérations ! ELEMENT a ainsi capté 50 millions d’euros, somme non négligeable par les temps qui courent. Seulement, l’insurtech allemande en attendait le double, et les signaux ne sont pas forcément tous au vert. Elle se trouve aujourd’hui clairement à un carrefour de son histoire.

Deal à envisager de manière plus positive pour Eye Security. La pépite néerlandaise du cyber lève 36 millions d’euros en Série B. Voici un concurrent de tout premier plan pour nos Françaises Stoïk et Dattak, sur une niche qui suscite toujours autant l’intérêt des investisseurs.

Hellas Direct réalise une autre levée d’envergure en aimantant 30 millions d’euros. Pionnière de l’insurtech en Grèce, elle poursuit une noble ambition : créer des produits d’assurance adaptés pour des zones géographiques délaissées par les acteurs traditionnels, notamment en Europe de l’Est et du Sud.

Enfin, Xaver arrive sur scène avec un seed de 5 millions d’euros. Fondée par l’ancien responsable des opérations de Luko en Allemagne, la jeune pousse s’attaque à un vrai défi de l’époque : mieux adresser le sujet des retraites grâce à la tech et l’IA.

Aucun commentaire sur cet article. Soyez le premier !

Laissez votre commentaire