L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition janvier 2024

L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition janvier 2024

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
12 janvier 2024 - 7 minutes

Ça bouge dans le microcosme de l’assurance ! L’innovation aux multiples visages se trouve plus que jamais au cœur des enjeux en 2024. Afin d’analyser les tendances de fond, nous faisons appel à l’œil de Florian Graillot et aux experts d’Astorya pour concocter un contenu spécialement pensé pour les pros du secteur : « L’assurance en effervescence, le baromètre ! »

👀 L’œil du VC Florian Graillot

Depuis plusieurs mois, des insurtechs font appel aux réseaux de courtiers pour muscler leur distribution. Comment l’analyser ? Est-ce une volonté de simplement ajouter une corde à leur arc ? Ou, au contraire, un impératif pour générer une croissance au caractère vital ?

Florian Graillot

Insurtechs B2C Courtiers

Le point commun entre Leocare, Stoïk, Gedeon et Lola Health ? Toutes sont des insurtechs françaises, ayant commencé par une distribution exclusivement en direct, qui incluent dorénavant les courtiers dans leur stratégie de distribution. Elles sont évidemment loin d’être les seules dans ce cas, et ce mouvement de fond interpelle, a minima.

Plusieurs interprétations sont en effet possibles. Les réalités, motivations, comme les vérités, ne seront d’ailleurs pas forcément les mêmes selon les acteurs. Mais il est légitime de se questionner. En se demandant d’abord si cette orientation provient d’un effet d’opportunité. Celle, pour ces startups, d’ajouter assez simplement une corde à leur arc pour diversifier et étoffer leur dispositif d’acquisition.

Mais n’y aurait-il pas aussi derrière, dans certains cas, la nécessité de trouver d’autres relais de croissance ? Dans un contexte très concurrentiel, la vente en direct n’a rien de simple. Le fantasme des startups aux dents longues prêtes à renverser l’édifice – cf le discours d’un Lemonade au début : « First, fire all the brokers » – a aussi fait son temps.

Il n’y a donc rien d’illogique à voir certaines insurtechs se reposer sur les réseaux en place pour générer de la croissance. Surtout dans un contexte d’un retour sur terre, où les fondamentaux et la quête de rentabilité ont retrouvé leurs lettres de noblesse. Cela amène néanmoins à s’interroger sur le sujet, toujours épineux mais essentiel, de la valeur ajoutée.

Car si l’on délaisse le 100% digital, sur lequel repose en grande partie le storytelling initial, que reste-t-il derrière ? Et pourquoi un client choisirait davantage le produit d’une insurtech que celui d’un assureur historique sur l’étagère du courtier du coin ? Un questionnement essentiel, mais aussi une opportunité pour les acteurs innovants de clarifier leur positionnement pour tirer leur épingle du jeu.

Rien n’est en effet figé dans le marbre, et il ne faudrait pas mal interpréter l’analyse. En effet, si les insurtechs ne vont pas rayer les intermédiaires de la carte, ceux-ci doivent aussi se questionner. La révolution digitale est plus que jamais en marche et impacte la distribution dans l’assurance à tous les étages. Un modèle comme l’embedded, par exemple, semble taillé pour changer les règles du jeu. Et il serait utopique, comme dans le monde bancaire, de voir les professionnels de proximité échapper à la vague.

Guillaume Rovère, spécialiste du secteur, le martèle depuis déjà longtemps. Le courtier doit au plus vite opérer sa transformation pour devenir un ‘courtier stratège. Au risque de disparaître, tout simplement. Des consolidations sont déjà en cours. A ce titre, une initiative comme Lapi Groupe, qui cherche à concilier le meilleur des deux mondes, nous semble particulièrement pertinente.

Ce début d’année 2024 semble être un moment opportun pour réfléchir aux mutations à l’œuvre sur la brique distribution. Grands groupes, intermédiaires, insurtechs, tous auront une belle carte à jouer dans un futur que l’on peut aisément imaginer bien différent d’aujourd’hui.

🧐 La startup à suivre : PennyPet innove avec de la pet insurance en mode embedded

La niche pet insurance constitue un fil rouge dans l’histoire de l’insurtech. ManyPets a été l’une des premières licornes de l’écosystème et a suscité de nombreuses vocations. Plus près de nous, et en remontant encore plus loin dans le temps, Santévet, fondée en 2003, est une belle réussite sur ce segment.

Cette dernière a récemment lancé le Pet Tech Observatory, qui recense les – milliers – d’initiatives autour du sujet. Soit autant de projets sur lesquels il semble pertinent de câbler de… l’assurance !

PennyPet est d’ailleurs déjà passée à l’action. La startup, qui se présente comme une néobanque pour propriétaires d’animaux de compagnie, a dévoilé à l’automne son offre. Un produit d’assurance conçu en collaboration avec Aon et Oney Insurance, directement intégré dans l’application. Malin !

Les perspectives semblent donc particulièrement intéressantes pour les insurtechs spécialistes du sujet. Celles-ci continuent d’ailleurs de se démarquer dans un contexte difficile. La Série B de 23 millions d’euros de Lassie constitue d’ailleurs certainement la plus grande surprise de l’année 2023 dans la sphère européenne.

🌀 Le « game changer » : Cardif obtient son agrément de réassureur. Une fusion des rôles entre l’assurance et la réassurance en train de se dessiner ?

L’information est quelque peu passée inaperçue, et n’a d’ailleurs pas été commentée par les principaux intéressés. Le 8 novembre dernier, BNP Paribas Cardif a obtenu son agrément auprès de l’ACPR pour exercer une activité de réassurance. Une annonce tout sauf anecdotique.

En effet, elle s’inscrit dans un mouvement qui voit les frontières s’effriter entre les deux mondes de l’assurance et de la réassurance. Proche de nous, le rachat de Partner Re par Covéa constituait déjà un exemple parlant de cette tendance. Les liens qui se resserrent entre des grands noms de la réassurance comme Munich Re, Swiss Re, Scor ou RGA, et la sphère insurtech, un autre. Et l’on peut également citer les dernières initiatives d’une Lemonade en matière de réassurance.

D’où une question de fond qui émerge : demain, y aura-t-il encore une distinction entre les deux types d’acteurs ? Alors que l’on se focalise volontiers sur la distribution, de gros mouvements semblent se mettre en place plus haut, venant confirmer un sentiment. Celui que le cœur de métier de l’assurance est, in fine, le portage de risques. Et que la vraie bataille concurrentielle se jouera de ce côté pour les acteurs en place.

Pour des assureurs comme Cardif ou Covéa, investir la réassurance est un moyen évident d’aller chercher de la croissance, en remontant la chaîne de valeur, alors qu’il est plus difficile d’en générer en bas. L’essor des insurtechs et les nouveaux modèles de distribution, notamment via les plateformes, changent la donne. La dynamique d’acquisition d’un grand groupe sur des produits simples (habitation, auto), n’est aujourd’hui pas supérieure à celle des top insurtechs. Les coûts de fonctionnement des réseaux n’ont, en revanche, rien à voir.

C’est aussi une initiative qui leur permet de ne pas se laisser dépasser sur des sujets chauds, notamment ceux liés à l’émergence des nouveaux risques. C’est enfin un levier qui leur assure de ne pas perdre la main sur la relation client. Aujourd’hui, les réassureurs n’hésitent plus à éluder la case assureurs. L’exemple récent de Munich Re qui a réassuré directement un producteur de batteries chinois est à ce sujet emblématique.

Le futur qui se dessine pourrait donc voir la confirmation d’une fusion progressive entre les rôles d’assureur et de réassureur. Pour plusieurs acteurs historiques, la compréhension, et l’anticipation de ce virage, décideront potentiellement très largement de leurs destinées.

💰 Les principales levées du mois dernier en Europe

Insurtech levées décembre 2023

Fin d’année relativement calme dans l’insurtech européenne. Insurely a réalisé le tour de table le plus important en captant 8 millions d’euros. Nous suivrons avec intérêt le développement de la spécialiste suédoise de l’open insurance dans les mois à venir. En effet, ce financement doit notamment venir appuyer son déploiement sur le marché français.

De son côté, FASST entretient sa dynamique avec une levée de fonds de 5,3 millions d’euros. Appuyée par plusieurs CVC français de premier plan, elle compte poursuivre le développement de sa suite d’outils digitaux destinés à faciliter le quotidien de ses clients assureurs, dans les processus de vente et d’avant-vente.

Enfin, Valkiv a annoncé un financement dont elle n’a pas précisé le montant. La proposition de cette autre startup suédoise ? Une sorte de coffre-fort en ligne, qui permet de stocker et d’authentifier des objets de valeur, et d’apporter des preuves à son assureur en cas de vol. Une bonne idée, mais sera-t-elle néanmoins suffisante pour la transformer en business rentable ?

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