La data science au secours du risque | Club Assurance & Digital, le résumé

La data science au secours du risque | Club Assurance & Digital, le résumé

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
07 décembre 2022 - 6 minutes

Prévenir pour mieux guérir ! C’est désormais le rôle de la data science qui connaît un essor important dans le secteur de l’assurance. Cette utilisation en forte croissance apporte son lot de bénéfices… mais pose aussi de nouvelles questions pratiques et réglementaires, entre autres.

L’ACSEL a donc choisi ce thème pour la dernière édition de son Club Assurance & Digital afin de faire découvrir des experts, des acteurs innovants, des nouvelles technologies. L’objectif étant de comprendre comment la data science vient aujourd’hui bouleverser le quotidien des assureurs dans leur compréhension des risques. Retour sur une conférence complète avec des intervenants de choix.

L’IA, oui ! Mais la réglementation aussi !

L’assurance est un domaine très compétitif. Surtout depuis l’arrivée sur le marché des insurtechs qui veulent bousculer les codes et chasser sur les terres de leurs aînés. Il faut donc trouver un moyen de faire la différence, d’apporter une plus-value. D’après Elise Sainderichin de DataRobot, cela aujourd’hui peut se jouer sur une bonne utilisation de l’intelligence artificielle.

Que ce soit dans la souscription, la déclaration de sinistre, le remboursement, etc. l’IA et la data science ont le pouvoir de modifier tous les corps de métiers dans le secteur. Ces nouvelles technologies ont non seulement le potentiel pour améliorer l’expérience du client mais aussi pour sublimer la chaîne de valeur de l’assureur.

Elise Sainderichin évoque deux enjeux majeurs dans l’utilisation de l’IA : 

  • analyser le profil de l’assuré afin de lui proposer une tarification plus adaptée et comparer avec les autres propositions du marché ;
  • minimiser aussi les risques au niveau de la fraude, et cibler les profils dits « à risques ».

Pourtant, cette modernité n’est pas sans danger, explique Timothée Dufour, expert du pôle fintech-innovation de l’ACPR. En effet, cet essor de collectes d’informations, industrialisées par l’IA, soulève de nouveaux enjeux. Il existe évidemment des limites à respecter concernant le respect des données personnelles.

Et plus il y a de données, plus il y a de questions de réglementation à aborder. Or, si un cadre existe déjà avec la réglementation sectorielle et le RGPD, il n’est plus suffisant face à cette forte expansion de l’IA. C’est pourquoi la Commission Européenne travaille sur la question avec l’AI act. Ce texte détermine ce qui sera fait de la donnée et pose un cadre d’usage qui va délimiter la potentielle utilisation de cette donnée. Mais est-il suffisant ? Le rôle de l’ACPR, de son côté, n’est pas d’appliquer les textes à la lettre, mais plutôt de trouver le bon équilibre afin qu’ils ne freinent pas l’innovation, et accompagner au mieux cette dernière. 

Devenir un acteur dynamique : passer de la protection à la prévention

L’innovation justement, parlons-en ! De nombreuses entreprises du secteur assurance ou proches de celui-ci ont déjà saisi le potentiel de la data science. C’est le cas de Kayrros, société de géo-analyse qui développe des solutions pour le suivi des ressources énergétiques et des risques climatiques.

Elle utilise des données récoltées par des satellites. Cette technologie lui permet de cartographier des événements climatiques. Les modèles de risques, surtout climatiques, sont en pleine évolution. Il est dorénavant impossible de se référer aux anciens schémas, caducs. Les assureurs ont donc besoin de nouveaux outils pour analyser ce qu’ils doivent couvrir. L’utilisation de ces nouvelles informations disponibles en quasi temps réel pour certaines, peut aider à mieux appréhender le risque. 

Mesurer les données permet aux assureurs d’avoir accès à des informations alternatives pour mieux appréhender et faire face à la montée en puissance des grands risques. L’objectif est de changer l’image de l’assureur qui n’intervient qu’après un sinistre. La data science doit désormais donner les moyens aux assureurs de passer de la protection, à la prévention, et devenir un acteur dynamique.

Guillaume Mouscadet, Managing Director Sales & Business Development chez Kayrros

Autre acteur, autre technologie, mais même objectif ! Chez namR, l’enjeu est de mieux comprendre l’évolution de l’immobilier via le prisme de l’évolution climatique. Et pour cela, l’entreprise utilise l’IA.

Grâce au machine learning, namR devient capable d’analyser un nombre considérable de bâtiments. Fait impossible pour des humains, surtout sur un laps de temps aussi réduit. Le but : comprendre et analyser la vulnérabilité de ces infrastructures face à certains risques. Cette étude précise, contextuelle et en temps réel permet ainsi aux assureurs de basculer dans une nouvelle dimension dans le traitement du risque.

Pour Renaud Heller, Lead Alliances and Partnership chez namR, l’important maintenant est de travailler sur les différents scénarios du GIEC. Comprendre qu’une vulnérabilité jugée acceptable aujourd’hui ne le sera pas dans les 10, 20, 30 années à venir. Le rôle de la data science va donc être de pouvoir anticiper les risques futurs.

Data scientist et actuaire, le mariage que l’on n’attendait pas ! – mariage forcé ?

L’augmentation du nombre de données a traiter à également engendré une arrivée importante de data scientists chez les assureurs. Ces nouveaux métiers obligent ainsi un renouvellement et un redéploiement des nouvelles compétences. Alors, ces nouveaux acteurs sont-ils une menace pour l’actuaire traditionnel ?

Pas pour BNP Paribas Cardif, Suravenir Assurance et Akur8. Les trois entreprises ont pu présenter leur vision de cette mutation des métiers de l’assurance. Chez BNP Paribas Cardif, Michael de Toldi, Chief Analyst Officer, déclare qu’il s’agit de deux métiers différents. L’actuaire doit avoir des bases de comptabilité. Il est en mesure d’établir des tarifs même s’il n’a pas de données. Le data scientist, lui, ne peut rien faire sans data. Son rôle est de les analyser et de les rendre compréhensible pour l’actuaire.

Du côté de Suravenir, le choix a été fait de monter une équipe pluri-disciplinaire. Avec une forte appétence pour les chiffres, la logique a été de les amener à travailler en étroite collaboration. Un point qu’Akur8 a poussé encore plus loin ! Joanna Chardon, Chief data science and Insurance officer, explique que l’insurtech a désormais des actuaires data scientist.

Pour elle, le data scientist est un stratège qui doit trouver des solutions et orienter l’entreprise dans le bon sens. Il semble donc indispensable pour les data scientists de posséder des compétences actuarielles et assurantielles pour mieux comprendre ces données. Le travail collaboratif est essentiel, mais il ne sera effectif que si la maîtrise de l’IT suit.

Le traitement des risques est en pleine révolution grâce à la démultiplication des données à traiter, avec des conséquences directes sur le secteur de l’assurance. Ce dernier prend de plus en plus en compte ces enjeux et l’impact que des nouvelles technologies comme l’IA, les satellites, le machine learning, etc. peuvent avoir sur leur métiers.

Il devient donc indispensable pour les assureurs de s’engager sur ces questions. Le secteur est en pleine mutation ! Une industrialisation du métier d’actuaire va être nécessaire afin d’apprendre à mieux traiter puis modéliser l’ensemble de ces nouvelles données. Et le data scientist va être en première ligne dans cette évolution profonde.

Le futur de l’assurance s’annonce ainsi radieux pour les assureurs qui, grâce à la data science, pourront passer de la protection à la prévention et devenir des acteurs actifs dans le quotidien des assurés.