Au INNN 2023, l'IA dans tous ses états !

Au INNN 2023, l'IA dans tous ses états !

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
10 novembre 2023 - 9 minutes

Les 10 et 11 octobre dernier, Niort a endossé son désormais costume annuel de capitale de l’innovation dans l’assurance. Durant deux jours, professionnels et observateurs se sont réunis dans le cadre effervescent du Salon INNN. Une édition encore une fois très riche qui a permis de prendre le pouls du secteur.

Et si l’on devait retenir une chose, et une seule, c’est que son cœur bat actuellement la chamade à l’évocation de deux lettres : IA. On l’avait forcément pressenti avant notre arrivée, mais notre impression s’est révélée plus que confortée. Tables rondes pleines à craquer, échanges et réflexions enthousiastes, entreprises et insurtechs spécialistes à l’honneur… L’intelligence artificielle était partout !

IA INNN 2023

Alors, où en est-on précisément en 2023 ? Quelles sont les applications concrètes ? Est-ce une technologie qui favorise ou non les rapprochements entre startups et grands groupes ? Et demain, quels points de vigilance ? L’IA va-t-elle finir par remplacer les assureurs ? Suivez-nous pour en savoir plus sur LE phénomène du moment !

Les assureurs à l’avant-garde !

Voici une assertion qui ne souffrira d’aucun débat. En 2023, l’IA, dans l’assurance, c’est du sérieux. Tous nos interlocuteurs étaient unanimes. Pour les assureurs, il n’est plus question de s’interroger ou d’opter pour une posture contemplative. Et ça tombe bien, puisque le secteur arbore une attitude particulièrement volontariste sur le sujet.

Assez logique, d’ailleurs, quand on sait que de nombreux acteurs n’ont pas attendu l’avènement de l’IA générative pour se pencher sur cette technologie. « On a eu cet effet de déflagration avec ChatGPT. En même temps, nous utilisons des LLM depuis plusieurs années, précise ainsi Benoît Pastorelli, CEO de Continuity.

Il faut le voir comme une évolution. Le tout, c’est d’être aujourd’hui préparé aux changements de paradigme induits par la tech que l’on vit tous les six mois !

Même son de cloche au sein des grands groupes. Arthur Dénouveaux de Covéa évoque lui aussi cette idée de « grosse évolution » plutôt que de « révolution », mais estime que l’on a « clairement franchi un cap. » Ce cap, c’est la prise de conscience de toute une industrie de la nécessité d’embrasser le potentiel de cette technologie.

Aujourd’hui, l’IA n’est plus vue comme un gadget dans les mains de startuppeurs un peu geeks ou destiné à amuser une cellule innovation dans un grand groupe. On parle dorénavant de cas d’usage très concrets. Et l’on se projette dans un futur où tous les maillons de la chaîne de valeur pourraient être impactés. Et si l’on était finalement en présence du game changer qui allait changer radicalement l’assurance ?

Souscription, relation client, fraude, gestion de sinistre… Un nouvel univers de possibles !

Parmi les applications les plus évidentes de l’intelligence artificielle, on pense immédiatement à la relation client. tolk.ai a parfaitement identifié cette opportunité. « Nous bâtissons des solutions d’IA conversationnelle pour aider les assureurs à fluidifier et améliorer la prise en charge de toutes les demandes qui peuvent être formulées par un assuré. Que ce soit avant et après la souscription, sur toutes les briques, dont le sinistre », explique son fondateur et CEO, Thomas Sabatier.

Le succès est déjà au rendez-vous. En témoigne une intervention lors d’une table ronde où il ne restait plus la moins place disponible. Ou les yeux qui brillent de prospects et clients qui découvrent Genii, le premier chatbot 100% propulsé par l’IA générative conçu par la startup. « Les gens sont bluffés par la capacité de l’IA à déboucher sur des résultats aussi poussés, aussi simplement et pour des usages immédiats », poursuit Thomas.

INNN Thomas Sabatier Tokk

En prenant en charge des tâches chronophages et / ou rébarbatives, grâce à sa capacité à brasser de la data à la vitesse de l’éclair, l’IA inaugure l’ère du professionnel augmenté. Qui dépasse le prisme de la relation client.

Continuity en est un bel exemple. L’insurtech, nichée sur le secteur IARD pro / entreprise, a développé une plateforme intelligente tirant le meilleur des pouvoirs de l’IA et de l’Open data. Elle permet aux assureurs de souscrire plus rapidement et précisément le risque, mais aussi de détecter de manière dynamique les situations à risque en portefeuille.

Cette solution facilite grandement le travail des souscripteurs au quotidien, et permet à ses clients de réaliser des économies substantielles. Une proposition de valeur qui vient valider la philosophie de Benoît Pastorelli, pour qui l’intelligence artificielle doit être « du concret, du concret et du concret ! »

Darva est un autre acteur se démarquant sur le sujet. Et voir une entreprise née il y a 35 ans articuler son stand autour de l’IA et dévoiler un livre blanc sur le sujet en dit long sur le virage qui s’opère actuellement. Pour l’éditeur de solutions originaire de la région niortaise, l’intelligence artificielle est tout simplement un pilier stratégique aujourd’hui.

Darva IA INNN

« L’IA est incontournable. Elle apporte tellement de possibilités en matière d’efficacité opérationnelle, d’automatisation, d’analyse de fraude », détaille Gaëtan Ruault. Le responsable du Darva Lab nous a expliqué les avancées de Darva sur le segment de la gestion de sinistre, notamment, dont l’entreprise est spécialiste.

Que ce soit sur la computer vision, la prédictivité (création de modèles de réflexion et d’analyse de données) ou le traitement conversationnel pour fluidifier les process de communication entre les acteurs de l’assurance et les assurés eux-mêmes, les innovations sont bluffantes !

Et semblent dessiner très largement l’assurance de demain, où des insurtechs comme Finovox (spécialiste de la fraude) ou LetXbe (focalisée sur le traitement documentaire instantané), avec qui nous avons eu aussi le plaisir d’échanger, auront un rôle évident à jouer.

Des points de vigilance

L’IA, on l’a compris, ouvre la porte à un nouveau monde de possibles. Mais, si l’enthousiasme est de mise, il ne faut pas omettre les points de vigilance inévitablement liés à un tel phénomène. Le revers de la médaille, c’est une intelligence artificielle qui est aussi envisagée comme un nouveau risque par les experts, avec des impacts potentiels à plusieurs niveaux.

Le premier concerne les conséquences sur le monde du travail, et les individus. Quand le DG d’un leader de la bancassurance en France déclare que ‘l’IA aura bientôt plus de compétences qu’un conseiller en agence‘, il met le doigt sur un sujet brûlant. Il serait illusoire d’imaginer que ces nouvelles technologies ne modifieront pas profondément les métiers, et la machine est d’ailleurs déjà bien en marche.

C’est l’accompagnement de cette rupture tech qu’il va falloir réussir à faire. Le grand groupe qui réussira cela le mieux sortira vainqueur de ce grand changement.

Arthur Dénouveaux

Arthur Dénouveaux ne se trompe donc pas quand il place l’accompagnement des collaborateurs comme enjeu numéro un dans ce grand changement. Covéa a d’ailleurs enclenché un travail sur la pédagogie, la communication, pour préparer le terrain face aux transformations majeures à venir.

Chez Golem.ai, comme chez Darva, Continuity et tolk.ai, on partage cette nécessité d’envisager l’IA comme un outil au service du collaborateur. En gardant à l’esprit que l’intelligence humaine demeure fondamentale et n’est pas prête d’être remplacée ! D’où la nécessité de ne pas « faire de l’IA pour faire de l’IA ». Et de mettre en place un travail d’acculturation et des déploiements pragmatiques pour trouver le juste équilibre et en tirer le meilleur.

Autre sujet connexe à l’explosion de l’intelligence artificielle, celui des données, de leur gouvernance et de leur sécurité. Une problématique majeure à l’heure où l’idée de souveraineté numérique fait son chemin et où le risque cyber explose en parallèle.

« La data est le fuel des IA, et la capacité à la gérer efficacement devient un vrai asset pour l’entreprise, explique Thomas Sabatier. Chez tolk.ai, on milite pour un hébergement en France, avec un transit au pire européen, au mieux français. Nous construisons un écosystème qui va permettre une gestion de la data rassurante, en éliminant tous les risques associés. »

Un autre point de vigilance soulevé autour de l’IA concerne son empreinte écologique. Car oui, l’IA générative implique de brasser des volumes considérables de données, une utilisation loin d’être neutre ! Thomas Leduc, responsable du marketing chez Golem.ai, milite ainsi pour des stratégies orientées vers un numérique responsable et le recours à des IA frugales.

Il ne faut pas se poser la question d’intégrer de l’IA juste pour intégrer de l’IA. Il faut en effet bien choisir une technologie qui permet de répondre à des enjeux environnementaux notamment, mais aussi d’explicabilité. On doit aller vers l’IA de confiance. De la performance, oui, mais pas à n’importe quel prix !

Thomas Leduc

Une aubaine pour les partenariats grands groupes x insurtechs ? Le dilemme du « make or buy »

L’effervescence et cette vision largement partagée autour du phénomène IA sonnent comme une porte ouverte aux rapprochements entre corporates et startups. Thomas Leduc abonde d’ailleurs, en soulignant malicieusement qu’un « assureur qui ne ferait pas encore de l’IA en 2023, c’est forcément un prospect pour Golem.ai ! »

Côté Darva, qui vient d’intégrer le dispositif French Assurtech, ces rapprochements sont évidents pour aborder plus efficacement les changements à venir. « Les insurtechs, c’est indispensable ! Et c’est notamment ce qui nous a poussés à rejoindre French Assurtech. Ça nous permet d’accéder à des startups plus facilement et de commencer à travailler avec elles, concrètement, sur différents axes métiers », explique Gaëtan Ruault.

Cependant, tout ne sera peut-être pas si évident qu’il n’y paraît. Arthur Dénouveaux met le doigt sur un sujet critique, celui de la donnée. « Les insurtechs ont une carte à jouer grâce à leur agilité. Toutefois, elles demeurent dépendantes de l’accès à la data… »

Un asset si précieux aujourd’hui que les grands groupes pourraient réfléchir à deux fois avant de la partager. D’autant que des outils comme ceux mis sur le marché par Microsoft, et le savoir-faire technologique de leurs équipes, peuvent les inciter à élaborer leurs propres solutions, en interne.

Un vrai défi se pose donc aux insurtechs, mais pas insurmontable, loin de là. Benoît Pastorelli résume ainsi parfaitement la situation. « Les assureurs ne nous ont pas attendus pour faire de l’IA. Donc, notre défi, pour pouvoir construire des partenariats industriels dans la durée, c’est de leur prouver que l’on peut faire mieux, et à moindre coût. » Qu’on se le dise, la course à l’innovation ne fait que commencer !

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