L'assurance, super-héroïne des temps modernes ! | Itw de Valérie Loizillon, cofondatrice d'Assurance for good

L'assurance, super-héroïne des temps modernes ! | Itw de Valérie Loizillon, cofondatrice d'Assurance for good

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
22 juillet 2022 - 9 minutes

Le monde va mal et agir n’est plus une option ! Pandémie, augmentation des catastrophes naturelles, guerres, inflation exceptionnelle… La situation est inquiétante à bien des égards, et c’est un doux euphémisme ! Et si les consciences s’éveillent peu à peu, les entreprises demeurent à la traîne.

Ces dernières ont trop longtemps fait l’autruche sur des enjeux sociaux et environnementaux. Depuis la loi PACTE en 2019, elles sont désormais dans l’obligation de prendre en considération ces problématiques liées à leur activité. Ainsi, chaque société se doit d’avoir une démarche RSE. La RSE pourrait donc permettre aux entreprises d’avoir un impact positif sur la société et l’environnement. Mais qu’en est-il dans le secteur assurance ?

Pour tout comprendre sur le sujet, nous sommes allés à la rencontre d’une spécialiste, Valérie Loizillon. Avec Sophie Laxenaire, elles ont fondé Assurance for good, un cabinet de conseil et de formation RSE entièrement dédiée aux acteurs de l’assurance. À elle deux, elles cumulent 40 ans d’expérience dans le secteur. Leur volonté avec Assurance for good : mettre un coup de pied dans l’énorme fourmilière qu’est l’assurance. Rencontre avec une femme engagée et motivée à faire bouger les choses dans une industrie qu’elle connaît sur le bout des doigts.

La RSE, un levier de réconciliation entre business et impact

Bonjour Valérie ! Pouvez-vous vous présenter ?

D’un point de vue purement académique, j’ai une formation en science-éco et un master de gestion des organismes financiers et bancaires. J’ai rejoint un grand groupe d’assurance directement après la fac et depuis, je n’ai jamais quitté le secteur. Au départ, c’était une suite logique par rapport à ma formation et ensuite, je pense que, comme dans toute carrière qui débute, ce sont les rencontres humaines qui m’ont fait rester. J’ai découvert progressivement un secteur en mouvement permanent et qui m’a présenté de nombreuses opportunités d’évolution. 

Comment est né Assurance for Good ? 

En quoi ça consiste exactement ?

Alors, nous avons articulé notre offre autour de deux axes. D’une part, le conseil. Pour accompagner les acteurs de l’assurance dans la définition, mais aussi dans le déploiement de leur trajectoire RSE. D’autre part, la formation. Pour définir un langage commun et sensibiliser les collaborateurs en interne, et pour embarquer les équipes.

Nous sommes convaincus que cette brique du langage commun est indispensable pour que les collaborateurs comprennent pourquoi ils sont engagés dans une démarche RSE. Mais aussi pour qu’ils puissent se saisir du sujet et faire le lien avec leur expertise métier. Toute la difficulté d’engager, c’est de faire comprendre que chacun peut être une brique dans la chaîne de valeur.

Pour vous, qu’est-ce que c’est que la RSE ? 

Pour nous, la RSE, c’est le levier qui va permettre de réconcilier le développement des entreprises, avec leurs impacts. Qu’ils soient sociaux ou environnementaux. Vous avez peut être déjà entendu ce slogan : « No business on a dead planet ». Et bien nos entreprises ne peuvent pas se développer durablement dans un environnement qui est dégradé.

Une entreprise, c’est un acteur qui est en interaction avec son écosystème. Pour fonctionner, elle va être obligée de s’appuyer sur les ressources humaines qui sont formées, les ressources naturelles disponibles et les ressources économiques et locales qui doivent être performantes. Se préoccuper de sa RSE, c’est vraiment réconcilier le business et l’impact.

Pourquoi en parle-t-on plus aujourd’hui qu’hier ?

On en parle plus, mais je ne pense pas que c’est parce qu’il y a un intérêt plus marqué aujourd’hui, qu’hier. C’est simplement qu’il y a plus d’exigences. En RSE, on parle beaucoup de parties prenantes. C’est-à-dire que la pression qu’exercent l’ensemble des parties prenantes, l’ensemble des stakes holders qui sont concernés par l’activité de l’entreprise, s’est intensifiée. Que ce soit du côté des collaborateurs, des assurés ou des investisseurs.

Qu’est-ce qui est en train de changer avec l’arrivée des nouvelles générations ?

Ces jeunes générations considèrent qu’on leur fait porter une dette climatique qui est liée à notre consommation. Et ce qu’elles demandent aux entreprises, c’est non seulement de prendre conscience des limites des ressources planétaires, mais aussi d’être prêtes à agir, contribuer et trouver des solutions. Les entreprises doivent absolument prendre conscience des exigences de leurs collaborateurs pour attirer des talents, pour les fidéliser, mais aussi pour trouver des clients et des assurés demain. C’est indispensable.

« La RSE est furieusement mobilisatrice ! »

Quel impact ça a de travailler sur sa RSE ?

Quel est votre business model ?

C’est celui classique d’une activité de conseil avec de la formation. Cette offre répond directement à une attente du marché. On parle le même langage que le client. On connaît le secteur de l’assurance, on connaît la chaîne de valeur. 

Comment se passe votre travail avec les assureurs ? Sur quel domaine vous sollicitent-ils le plus ?

Tout d’abord, il faut créer un socle de culture fort sur la RSE. Ça passe par le partage d’un langage commun, de connaissance commune. Et c’est un préalable à l’action. Une fois qu’on a cette brique, on peut commencer à réfléchir collectivement à son impact et se connecter à son quotidien. L’enjeu des enjeux, c’est vraiment former, former, former ! Et une fois que c’est fait, là, on peut s’attaquer à la conception des produits d’assurance, à la transformation de la politique d’investissement pour rendre le produit plus responsable.

Les deux briques qu’on nous demande le plus, c’est de les aider à réaliser un état des lieux parce que tout le monde à des actions RSE engagées dans son entreprise. Donc, il faut pouvoir définir une ambition et identifier leurs axes d’engagement. La deuxième brique, c’est cette étape de formation et d’animation, dans le temps, de cette démarche RSE. Et ce même pour les groupes les plus matures.

La RSE, c’est la fin de la boîte noire !

C’est quoi un assureur responsable ? 

Quel est l’intérêt pour les assureurs de s’intéresser à une telle démarche ?

La RSE permet de renforcer la marque employeur, de mobiliser et d’engager ses collaborateurs, de retenir ses talents, de les fidéliser. C’est un élément de différenciation à la fois en termes de recrutement, mais aussi sur le marché, du côté des offres de produits et de services. C’est une réponse aux demandes des assurés, mais c’est aussi une réponse aux attentes des actionnaires. Et pour certaines entreprises qui ont besoin de lever des fonds, c’est aussi une réponse aux attentes des investisseurs. 

Et surtout, pour moi, c’est une réponse d’indépendance parce que dans les fondamentaux de la RSE, il y a l’éthique, la transparence et le respect des droits. Dans une démarche RSE, dès qu’on engage un dialogue avec ses parties prenantes, qu’on est plus transparent, ça permet de définir un cadre d’indépendance et de limiter les conflits d’intérêt. C’est la fin de la boîte noire.

Est-ce suffisant ?

Ce qui est insuffisant, c’est de ne rien faire ! C’est de ne pas se poser de questions et de croire qu’on peut continuer de développer son activité sans rien changer. S’engager dans une démarche RSE, c’est partir d’un point de départ, passer à l’action, définir une trajectoire. Parfois, ça peut être frustrant, on aimerait que les ambitions soient plus élevées, mais c’est toujours mieux que de ne rien faire.

Aujourd’hui, on ne peut plus croire qu’on peut continuer de faire ce qu’on fait, sans se questionner sur le rapport entre notre consommation et les ressources planétaires. Surtout quand on sait que si on ne change rien à notre mode d’organisation, il nous faut 1,7 planète pour y arriver… Et on ne les a pas ! Donc, il y a nécessité de s’interroger.

Comment éviter de tomber dans le green – ou le purpose-washing ?

Il faut être sincère. C’est le point de départ ! Et surtout, il faut avoir une démarche qui soit portée au plus haut niveau de l’entreprise. Avec des ambitions et des objectifs chiffrés. Et puis, bien sûr, il faut avoir une communication proportionnelle et adaptée à ses engagements. Les banques et les assureurs sont des acteurs majeurs de cette transition parce qu’ils ont les moyens financiers de le faire. Ainsi, ils peuvent décider d’orienter ces flux d’investissements là où il est bon de le faire.

« L’innovation, indispensable dans la lutte contre le changement climatique ! »

Qu’est-ce que le digital peut apporter dans cette démarche RSE ?

Il y a un sujet dont on a peu parlé, c’est la réglementation en termes de reporting extra financier. Et là, je pense que des outils de reporting, de simplification, de collecte et de consolidation de données vont être au cœur de ce sujet.

C’est un outil indispensable au service de la RSE. Il est important de piloter sa trajectoire, de se fixer des indicateurs chiffrés. Et dans ce cadre réglementaire, qui vient rajouter une contrainte pour certains acteurs de « reporter » leurs engagements et leur performance extra financière, on voit que la digitalisation à un vrai rôle à jouer.

L’innovation est-elle une obligation pour avoir un impact sur l’environnement ? 

Si par innovation, on donne comme définition le fait de se challenger, de se remettre en cause pour faire les choses d’une façon différente que ce qu’on a fait les 20, 30, 40 dernières années, si ça veut dire qu’on doit travailler sur ses impacts, alors oui, une posture d’innovation devient obligatoire ! Voire indispensable pour s’engager dans cette lutte contre le dérèglement climatique. On va être obligé de changer la manière dont on fait les choses.

On a aujourd’hui de plus en plus d’organismes, de médias ou de particuliers qui se lancent dans une « chasse aux sorcières » des entreprises qui n’agissent pas ou peu. Certains peuvent les afficher de façon assez violente sur les réseaux par exemple. Comment voyez-vous cela ?

Clairement, je pense qu’on ne peut pas tout changer tout de suite. Une entreprise est une structure complexe et mener des actions, ça prend du temps. Mais ces questions sont tellement complexes qu’il ne peut pas y avoir une seule forme unique de réponse à ces sujets. Je pense qu’à la fois, on a besoin d’actions radicales, peut-être violentes, on a besoin de lanceurs d’alertes, on a besoin d’étudiants de grandes écoles qui vont tourner le dos aux grandes entreprises. 

Et dans le même temps, on a besoin qu’il y ait d’autres étudiants, des conspirateurs positifs qui intègrent ces entreprises pour faire bouger les choses de l’intérieur. Et on va avoir besoin d’acteurs comme nous, peut être que c’est insuffisant, mais qui vont accompagner la transformation des entreprises. Chacun a sa part. Il y a 1 000 façons de faire et c’est complémentaire. Et à partir du moment où tout le monde va dans le même sens, ça avance. Et il faut que ça avance et que ça bouge !