Notre époque est engagée dans une réflexion majeure sur la question de la mobilité. Afin de répondre aux enjeux environnementaux comme aux problématiques d’un monde urbain qui poursuit sa densification, un mouvement est déjà amorcé. L’émergence des véhicules électriques, dont les ventes explosent actuellement, constitue une belle preuve de cette tendance. Et forcément viennent se greffer de nouveaux enjeux assurantiels autour de cette nouvelle réalité.
Les opportunités sont évidentes pour les assureurs et n’ont pas échappé à l’équipe de Joltee. La jeune insurtech française vient de se lancer sur le créneau prometteur de la voiture électrique. Objectif : concevoir une offre globale de garanties et de services autour de ces véhicules, mais aussi voir plus loin en accompagnant les Français dans la transition vers une nouvelle mobilité. Soundar Adavane et Florent Sejour, deux des cofondateurs de la startup, ont accepté de nous dévoiler les dessous de leur projet. On vous embarque pour une virée où il sera question d’enjeux sociétaux, d’assurance dopée à la data et de l’omnipotent Elon Musk. Attachez bien vos ceintures, ça va décoiffer !
Soundar : J’ai fait mes études à Dauphine, avec un parcours en maths. A l’occasion d’un forum organisé par mon école, j’ai rencontré une manager de Generali et j’ai enchaîné sur un stage. J’ai donc découvert l’assurance et ça m’a plu. J’ai poursuivi en travaillant durant trois ans pour le groupe en Italie. J’ai pu toucher à tout : fraude, IA, blockchain, etc., et notamment à des projets autour de la partie auto connectée. J’ai entrevu une opportunité business. J’ai alors mis en place et présenté mon projet, qui est devenu Joltee.
Florent : J’ai commencé dans l’informatique en tant que développeur d’applications web / mobile. J’ai travaillé pour des acteurs de l’énergie (Enedis, GRDF, Total), secteur pour lequel j’ai toujours eu un intérêt via le prisme des enjeux environnementaux. Quand Soundar m’a appelé pour participer à l’aventure Joltee, c’était donc une évidence de dire oui dans la seconde !
S : Jolt, ça fait référence à l’électrique, à la physique, l’accélération. En anglais, c’est une secousse, une perturbation dans un milieu homogène qui ne bouge pas trop. Et c’est nous, finalement, qui arrivons pour secouer le monde de l’assurance ! Les deux « e », ça permet de rajouter deux roues sur notre logo, et on aimait bien la sonorité pour finir le nom.
F : Joltee, c’est l’assurance des voitures électriques, qui promeut les nouvelles mobilités et souhaite accompagner les Français vers l’électrique. L’auto électrique est le premier axe sur lequel on s’est déployés, mais nous souhaitons être en mesure d’accompagner un mouvement plus général, avec des moyens de transport nouveaux comme les trottinettes, les vélos électriques, et autres NVEI. La transition énergétique et écologique ne va pas se faire uniquement via l’automobile, mais aussi par la mobilité au sens large.
S: On a conçu notre propre modèle de tarification en prenant en compte l’évaluation de la conduite grâce à la data et des critères comme la météo, le trafic, etc. Il y a aussi une dimension pay as you drive, avec une indexation de la prime aux kilomètres parcourus. Le but est de repenser le concept de mutualisation du risque qu’on peut avoir classiquement sur l’assurance auto.
On crée donc des groupes de conducteurs en fonction du véhicule, du comportement au volant et des données exogènes. Pour chaque assuré appartenant à un groupe, on propose un prix d’assurance et une récompense, les jolts. Avec ce système de fidélisation, l’assuré va pouvoir année après année changer de groupe et obtenir une réduction de son prix d’assurance, ainsi qu’une augmentation de sa récompense liée à la réduction du risque assurantiel.
F : A chaque trajet, on évalue votre conduite et vous obtenez un score basé sur différents critères, transparents et visibles sur l’application. Vous obtenez aussi un montant, qui est cette sorte de monnaie virtuelle qu’on a créée, le jolt. Vous allez alors pouvoir la dépenser dans un écosystème de partenaires. Cette monnaie peut par exemple vous servir à payer votre stationnement ou poursuivre votre trajet en vélo, trottinette, scooter partagé, ou même payer votre assurance chez Joltee.
On cherche à étoffer notre réseau pour couvrir au mieux les dépenses usuelles de nos assurés, coller au plus près de leurs besoins du quotidien. Notre objectif est de les accompagner au mieux dans l’adoption de leur véhicule électrique, et les aider à s’acclimater à cet univers nouveau.
S : Oui, clairement. Toutes les publications actuelles sur le sujet de la fidélisation vont dans notre sens. Le marché de l’assurance auto est très concurrentiel. Il y a deux options pour survivre : soit vous avez un prix très, très bas à la souscription, mais dans ce cas-là, vous allez devoir rétablir un prix correct au fil des années et vous perdrez des clients, avec en plus la loi Hamon qui favorise cette tendance. Soit, comme nous, vous vous dites : comment faire pour que notre client soit tellement satisfait qu’il n’ait aucune envie de partir ? Et vous travaillez une offre en conséquence.
Chez Joltee, ce principe de fidélité, qui vous accompagne dans le temps et vous permet d’avoir une prime de plus en plus basse – récupérée jusqu’à 40% en jolts ! – s’inscrit dans une démarche de rétention.
Et pour qu’un programme reward / cashback fonctionne, il faut qu’il soit intelligible et clair d’un côté, et aussi qu’il colle à un vrai besoin, une expérience qui sera utile à l’assuré. C’est pourquoi on ne veut pas vous proposer une récompense à la fin du mois ou de l’année alors qu’en fait, votre besoin de stationnement est immédiat, par exemple.
F : Aujourd’hui, un assureur auto traditionnel vous couvre pour un risque, point. Il ne va pas forcément chercher à vous fournir des services additionnels, spécifiques, autour du véhicule. Sur l’électrique, on parle de problématiques de stationnement, d’allongement d’autonomie, de mobilité alternative. On veut vraiment être partenaire, changer le paradigme de l’assurance. Et ça, ça se fait en proposant une réponse la plus complète possible autour de différents besoins autour du véhicule. On s’inscrit dans la logique en écosystème, avec une volonté d’accompagnement, en proposant des services adaptés et à valeur ajoutée.
Sur le produit assurantiel en lui-même, on a imaginé un produit calibré pour le véhicule électrique, avec une garantie du câble de recharge, des batteries, des toits vitrés panoramiques, des feux matriciels, etc. Toutes les spécificités du véhicule électrique, en somme !
Notre approche est différente de celle des assureurs classiques. Eux ont un produit pour les véhicules thermiques sur étagère qu’ils vont essayer d’adapter à l’électrique. Ils avancent, proposent des options, ça va dans le bon sens… Mais nous, on a l’avantage d’être partis d’une feuille blanche. On va encore évoluer et on a sans doute un train d’avance sur ce point en étant les seuls à proposer un produit toutes options / tous risques.
S : Nous nous sommes lancés en début d’année et on reçoit actuellement 15-20 prospects par semaine. L’équipe grandit, nous sommes aujourd’hui 13. On a réalisé une incubation qui s’est très bien passée à Paris Dauphine, et on a obtenu le label « French tech seed » de la BPI qui a une option pour rentrer au capital.
On a déjà embarqué un bel écosystème autour de nous, on réussit à se faire connaître. Notre ambition est d’avoir 300-400 assurés mensuellement, d’atteindre rapidement la rentabilité et de nous lancer sur les pays limitrophes. Dans cette optique, on voudrait capitaliser sur nos partenaires déjà présents dans ces zones géographiques.
F : Pour promouvoir la marque, on a eu l’idée de faire des tote bags avec un ami, sur lesquels était inscrit : : « I’m so blue and greener than purple ». On avait le côté bleu = technologie, vert = écologie et dans nos têtes, bleu + vert donnait du violet… mais ce n’était pas du tout le cas ! Au salon de Francfort, une personne travaillant dans le design vient nous voir en nous disant qu’elle ne comprend pas le message. Et on se rend compte que c’est évidemment bleu + rouge qui donne du violet ! Du coup, on a bien rigolé et au final, ça a fait son effet puisque ça a capté l’attention des gens et apporté pas mal de sourires !
