La formation dans l'assurance - État des lieux et perspectives

La formation dans l'assurance - État des lieux et perspectives

Leslie Pinsard
Rédigé par Leslie Pinsard
26 mai 2021 - 11 minutes

 

Comment en vient-on à travailler dans l’assurance ? Beaucoup vous diront qu’ils sont arrivés là par hasard, mais l’on n’accède pas aussi facilement à ce secteur très réglementé. Diverses voies mènent à l’assurance, et il existe notamment des formations initiales spécifiques et des formations continues qui permettent de se mettre à niveau et de progresser dans le temps. Avec le développement du digital et les transformations sociétales en cours, on constate que cette formation évolue à vitesse grand V. Quels sont les modèles de formation classiques ? Existe-t-il des différences entre la France et l’étranger ? Et quelles sont les tendances et idées qui visent à améliorer la formation dans l’assurance aujourd’hui ? 

 

La formation dans l’assurance en France et à l’étranger

 

La formation dans l’assurance en France

 

Pour commencer notre état des lieux de la formation dans l’assurance en France, voici quelques constats et statistiques de l’Observatoire de l’évolution des Métiers de l’Assurance

  • Il existe de nombreuses formations qui mènent au secteur de l’assurance. 
  • Seulement 14,3 % des personnes travaillant dans ce secteur sont issus d’une formation spécialisée. 
  • De même, l’assurance regroupe une multitude de niveaux : BTS (généraux et assurance), Licence, Master. On remarque toutefois une majorité de diplômés de niveau Master, notamment dans les métiers de l’actuariat (70 % des actuaires par exemple). 

 

En France, les deux grands représentants de la formation dans l’assurance sont l’IFPASS et l’ENASS. Amélie, notre responsable RH, a eu l’occasion de les interviewer. Voici ce qu’elle retient de ces échanges : 

  • L’ENASS est une école publique reconnue par l’État, créée en 1947. C’est une formation encore très traditionnelle. À savoir : élitiste (sur concours avec peu de place) et conformiste. Le digital fait bien partie de la formation, mais ce n’est pas une composante qui ressort. Les étudiants peuvent y accéder à partir de la Licence.
  • L’IFPASS est une formation disponible à partir du BTS Assurance. Le digital y est plus présent, puisqu’ils ont créé une licence intitulée e-assurance. D’ailleurs, les diplômés sont poussés à se lancer dans l’entrepreneuriat. C’est donc une formation plus moderne. 

Entre l’ENASS et l’IFPASS, force est de constater qu’il s’agit de « deux mondes différents ».

 

ecoles formation assurance

 

Même si l’IFPASS se veut plus moderne, le secteur de l’assurance conserve une dimension traditionnelle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les choses ont un peu évolué dans le domaine de la formation dans l’assurance, mais pas aussi vite que le monde d’aujourd’hui ne l’exige.

Il ne faut pas oublier les universités qui proposent des formations exhaustives, en formation initiale, évidemment, mais aussi en formation continue. Six Pôles d’excellence distingués par la FFA ont notamment été constitués en France et proposent des formations de haut niveau pour intégrer le secteur.

 

La formation dans l’assurance dans le monde anglo-saxon

 

La formation initiale 

 

Pour aborder cette question, nous avons fait appel à Alexandre Rispal, le directeur général délégué d’Assurly, qui est passionné par le monde du digital et connaît notamment très bien ce qui se passe en Amérique du Nord. 

En Amérique du Nord et en Europe, les compétences techniques pour évoluer dans le monde de l’assurtech sont d’abord intégrées dans les formations initiales. Par exemple, à travers des formations sur l’actuariat ou des métiers spécifiques comme le marketing ou la gestion d’entreprise. Celles-ci comprennent des cours spécialisés insurtech. Par ailleurs, des compétences recherchées par les startups complètent les cursus. 

Le fonctionnement entre les deux reste néanmoins très différent. En Europe, la formation initiale repose sur la quasi gratuité, alors qu’aux États-Unis, un Master coûte entre 30 000 et 40 000 dollars. Les étudiants investissent via financement personnel. Il y a donc un engagement très fort permettant de bien sélectionner sa formation dans l’assurance ou autre domaine. 

 

La formation continue

 

À côté de la formation initiale dans l’assurance, il existe des formations continues pour les salariés qui sont déjà en poste. De plus en plus d’universités, comme Harvard, Oxford ou encore l’INSEAD, ont développé des cursus fintech qui durent sur des périodes de 6 à 12 semaines. Les coûts varient entre 1 500 et 3 500 €.

En formation continue, les étudiants bénéficient d’un panorama complet avec des sujets transversaux comme les cryptomonnaies, la data science ou l’écosystème numérique des assurtech. Dans les pays anglo-saxons, beaucoup de professionnels de l’assurance (qu’ils soient dirigeants ou salariés ) suivent ces cursus pour s’autoformer. La différence, c’est qu’aux États-Unis ou en Angleterre, l’équivalent français de la prise en charge de la formation professionnelle n’existe pas.

 

L’avis d’Alexandre Rispal : « Le monde anglo-saxon est assez intéressant, car on constate une réelle volonté de rafraîchir ses connaissances régulièrement qui est vraiment ancrée dans les mœurs. Et cela fonctionne bien puisque ces formations nécessitent 7 à 8 heures de travail personnel par semaine. Derrière cette initiative personnelle, cela permet surtout aux professionnels de l’assurance d’avoir une connaissance des dernières tendances. C’est une plus-value incontournable sur le marché de l’assurance. »

 

Aujourd’hui, l’idée traditionnelle selon laquelle aller à l’université, suivre sa carrière professionnelle et ne plus retourner sur les bancs de l’école est en phase d’évolution. 

Selon Alexandre Rispal, « qu’elle soit technique ou générique, la formation est continue ». Dans le monde de l’assurtech, un bon professionnel se forme tout au long de sa carrière. Par exemple, un bon data scientist va apprendre toujours de nouveaux langages, de nouvelles méthodologies, et va expérimenter. De son côté, un bon marketeur teste de nouveaux outils ou de nouvelles méthodes d’apprentissage tous les ans, voire plus régulièrement. Cela permet d’être up-to-date et performant dans le domaine de l’assurtech. De manière générale, il faut une remise en question perpétuelle, et ce, à tous les niveaux de l’entreprise, du management aux collaborateurs, etc. C’est aussi ce qui est passionnant dans nos métiers : devoir réapprendre sans cesse.

 

formation continue assurance

 

Les tendances de formation émergentes 

kalea formation dans lassurance

Pour parler des dernières tendances, nous avons fait appel à Reynald Nocera, directeur général de Kaléa Digital & Formation, organisme de formation « Traintech » référent expert en assurance et leader sur la DDA

 

L’avis de Reynald Nocera :  « En tant que qu’organisme de formation, l’important est que l’apprenant trouve de la valeur. Aujourd’hui, la formation doit se vendre, elle se doit d’être facilement accessible, interactive et innovante. Elle ne doit plus être perçue comme quelque chose d’obligatoire et de fastidieux, et notamment pour les salariés des insurtechs. Et pour être attractive et se vendre, la formation doit impérativement tenir compte des contraintes de chacun. »

 

Chez Kaléa Digital & Formation, le digital est présent dans les formations assurance depuis 2009 puisqu’il fait partie de l’ADN de l’entreprise. L’organisme de formation « Traintech » a donc une bonne vision des évolutions technologiques et pédagogiques, de ce qui se fait, de ce qui fonctionne ou non. Pour cette raison, Kaléa a beaucoup investi, entre autres, dans le micro learning, depuis environ 5 ans. 

 

Le micro learning

 

C’est quoi le micro learning ?

Le micro learning s’est développé à partir d’un constat. Aujourd’hui, de nombreuses formations digitales durent 1h30 voire 2 heures, voire une heure. L’objectif est alors de brosser un sujet large de manière générale, sans pouvoir entrer trop dans les détails d’une sous-thématique particulière. Cependant, 1 heure peut être difficile à intégrer dans l’emploi du temps des salariés. C’est justement pour cette raison que plusieurs entreprises n’ont d’autre solution que d’imposer à leurs salariés de prévoir une ou deux heures dans leur agenda afin de suivre leur formation. Cette organisation permet de poursuivre l’apprentissage, mais le salarié reste contraint. 

Pour éliminer ce sentiment de contrainte, le micro learning tend à diviser les modules en capsules. Ces dernières durent 10 à 15 minutes. L’objectif consiste à établir un focus très détaillé sur une thématique précise ou une actualité marché. Le salarié a ainsi accès à une bibliothèque comprenant 200, 300 ou 400 capsules selon les thématiques. Et non plus une « bibliothèque » limitée de modules. 

Le participant peut alors consommer la formation, plutôt que la subir. 

Pour donner envie aux salariés d’apprendre en continu, Kaléa Digital et Formation s’est inspiré des réseaux sociaux et de leurs habitudes d’utilisation. Dès que les salariés ont un petit temps disponible (après le déjeuner, pause café, etc.), ils peuvent suivre une formation, à travers un e-Learning Focus, une vidéo pédagogique, un quizz, etc. Cet apprentissage peut donc être consommé à la manière dont on suit l’actualité sur LinkedIn, Facebook ou autre plateforme. 

 

Micro learning formation assurance

 

En résumé, le micro-learning présente une multitude d’avantages :

  • Plus de précision : en segmentant bien le sujet, on peut dire énormément de choses, et de manière très précise.
  • Plus efficace pédagogiquement : plus la durée est courte, plus le niveau de concentration reste élevé, et donc le niveau de rétention de l’information également. 
  • Moins de contraintes : les salariés peuvent suivre une formation dès qu’ils ont quelques minutes, sans avoir à bloquer une plage horaire dans leur agenda pour enrichir leurs connaissances.

À travers le micro learning, la formation dans l’assurance s’adapte à la situation de chacun. 

 

Le Blended  Learning 

 

Il s’agit d’une tendance associant le présentiel et le distanciel. 

Généralement, le blended learning est utilisé sur les modules de formation relativement longs (deux ou trois jours). En associant le distanciel au présentiel, les formateurs peuvent proposer une plus grande diversité, notamment avec les serious games. De manière générale, cette technique permet de dynamiser l’apprentissage par rapport aux formations classiques. 

 

Vers un renouveau de la formation dans l’assurance

 

De la formation continue contrainte…

 

Aujourd’hui, la formation continue est souvent preçue comme forcée à la fois au niveau : 

  • de l’employeur : il doit dépenser x € dans la formation.
  • et du collaborateur : qui se voit contraint de faire x heures de formation par an. 

Une formation initiale privilégiée

 

En tant que responsable RH, Amélie constate que peu de personnes investissent personnellement dans une autoformation. D’ailleurs, au cours du processus de recrutement, les candidats vendent leur formation initiale, mais jamais leur formation continue. Et ce même si les formations effectuées en entreprise leur ont apporté des spécialisations presque plus importantes que le parcours initial ! En France, « on reste encore très formation initiale et diplôme ».

 

La formation continue obligatoire dans l’assurance, une contrainte pour les salariés

 

Depuis la DDA (Directive sur la distribution de l’assurance), une formation continue de 15 heures doit impérativement être suivie tous les ans. Avant cette mesure, l’assurance était le seul secteur réglementé à ne pas être soumis à une obligation de formation continue (contrairement aux acteurs de la banque et du crédit). Là encore, cette formation obligatoire est payée par l’employeur. 

Les salariés ne sont pas acteurs de leur propre formation. L’initiative moncompteformation.com avait pour volonté de responsabiliser chacun sur sa formation professionnelle. Cependant, même si l’application a connu un boom à son lancement, la pratique demeure marginale. D’ailleurs, de nombreux salariés ne savent toujours pas de quoi il s’agit. 

Par ailleurs, une fois que toutes les formations obligatoires sont réalisées, le budget restant pour l’apprentissage des salariés est souvent très maigre. En conséquence, les employeurs ne peuvent investir sur d’autres formations complémentaires dans l’assurance. 

 

moncompteformation formation assurance

 

Pourquoi le salarié français n’investit pas lui-même sur sa formation ?

 

L’avis de Reynald Nocera : « À ce sujet, il est intéressant de faire le parallèle avec le système de protection sociale en France. On est dans un pays avec un État fort qui prend en charge une grande partie de la protection sociale. Or, cette logique vaut aussi pour la formation. En France, on a toujours considéré que la formation était le devoir de l’employeur, et non du salarié. Le paritarisme y joue aussi pour beaucoup. Les salariés estiment souvent qu’ils n’ont pas à financer par eux-même un cursus de formation pour accéder à tel ou tel marché, ni à financer des formations complémentaires afin d’évoluer ». 

 

La difficulté à investir dans l’autoformation au sein du secteur assurance vient aussi du fait qu’il s’agit d’un marché très réglementé. À ce titre, la formation initiale est obligatoire pour accéder à ces métiers. C’est donc tout naturellement que la formation continue en assurance soit à charge de l’employeur. 

 

… à la formation choisie

 

Dans le monde anglo-saxon

 

Comme les pays anglo-saxons reposent sur des investissements libres, les citoyens renforcent leurs compétences sur des critères qui les rendent directement employables.

À ce titre, les investisseurs regardent le cursus, et notamment les formations effectuées à l’étranger. C’est un élément de ténacité, et de résilience, puisque les salariés apprennent généralement en dehors de leur temps professionnel, c’est-à-dire, tôt le matin, tard le soir ou le week-end. Une connotation très positive enrobe l’autoformation aux Etats-Unis, par exemple.

À l’inverse, en France, « l’autoformation est associée à du temps perdu » selon Alexandre Rispal. Les employeurs considèrent que les salariés qui se forment ne travaillent pas pendant cette période. 

 

L’adaptive Learning

 

Comme échangé avec Reynald Nocera, Pour redonner envie de se former, l’adaptive learning se développe. Il s’agit de programmes de formation basés sur l’intelligence artificielle. Ces derniers sont personnalisés en fonction des besoins des apprenants et de leurs retours dans les modules suivis. Ainsi, l’algorithme prend en compte le temps ou le score obtenu pour proposer tel ou tel module complémentaire. Cette nouvelle méthode pourrait clairement changer la donne en matière de formation dans l’assurance dans un futur proche et Kalea Digital & Formation investit beaucoup dans ce domaine.