L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition mai 2024

L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition mai 2024

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
17 mai 2024 - 7 minutes

Ça bouge dans le microcosme de l’assurance ! L’innovation aux multiples visages se trouve plus que jamais au cœur des enjeux en 2024. Afin d’analyser les tendances de fond, nous faisons appel à l’œil de Florian Graillot et aux experts d’Astorya pour concocter un contenu spécialement pensé pour les pros du secteur : « L’assurance en effervescence, le baromètre ! »

👀 L’œil du VC Florian Graillot

Les licornes appartiennent-elles à un passé définitivement révolu ? Loin de là ! L’insurtech compte toujours huit spécimens en Europe, dont les dynamiques sont différentes, mais bien actives. Alors, où en sont-elles précisément en 2024 ?

Florian Graillot

Les licornes, vouées à retourner dans un monde imaginaire, pour cette fois y rester ? Il est vrai que ce terme reste fortement associé à la période post-Covid qui a vu le monde de la tech basculer dans une douce et potentiellement dangereuse euphorie. Une époque où les méga-deals s’enchaînaient presque quotidiennement, favorisant l’émergence de jeunes entreprises dont les valorisations ne cadraient, pour beaucoup d’entre elles, pas à la réalité.

L’insurtech n’a pas échappé au phénomène. En Europe, ce sont huit startups qui ont su surfer sur la vague pour atteindre ce fameux statut de licorne. Aux deux Françaises Alan et Shift Technology s’ajoutent les Anglaises ManyPets, Zego, Tractable et Marshmallow, et les Allemandes Clark et wefox. Alors que l’année 2023 a confirmé un retour sur terre, avec les notions de rentabilité et de pragmatisme opérationnel qui ont repris le dessus, où se situent-elles aujourd’hui ?

Les défis pour les licornes sont les mêmes que ceux de l’écosystème. Pour synthétiser, trois options se présentent :

1️⃣ Trouver des fonds pour poursuivre l’aventure. En réalisant une nouvelle levée, mission fort compliquée dans le contexte actuel, et encore plus au regard de leurs valorisations. Ou alors en réalisant des opérations de type « bridge » comme ont pu le faire dernièrement wefox ou Marshmallow.

2️⃣ Gagner du temps en réduisant les coûts. Plusieurs acteurs ont notamment effectué des coupes dans les dépenses marketing. D’autres, comme ManyPets, se sont recentrés sur les marchés qui fonctionnent, au détriment d’une expansion ambitieuse mais onéreuse. Enfin, sans surprise, des directions ont aussi réduit leurs effectifs. Zego a été l’une des premières à actionner le bouton rouge en Europe, tandis qu’un Tractable a plus récemment aussi nettement réduit la voilure.

3️⃣ Atteindre la rentabilité. Dans ce cas de figure, la pression retombe, et l’horizon se dégage instantanément. Pour le moment, seule Clark a annoncé avoir basculé dans le vert, en ce début d’année 2024. Alan et Shift sont de leur côté engagées dans une dynamique qui doit les voir atteindre ce palier dans les deux à trois ans.

En un coup d’œil, le graphique ci-dessus permet de visualiser le moment de la dernière levée dans le temps (en abscisses) et l’évolution des effectifs sur la dernière année (en ordonnées). Et donc d’entrevoir que le momentum est actuellement meilleur pour un Alan qui élargit son terrain de jeu en remportant des appels d’offres d’envergure dans la Fonction publique, et un wefox dont les dernières nouvelles ne sont pas forcément enthousiasmantes.

En 2024, les licornes sont donc toujours là, et bien là. Pour plusieurs d’entre elles, des moments charnières approchent, avec d’inévitables exits dans les tuyaux. Nous suivrons donc de très près leur évolution dans les mois à venir.

Car bien que ce modèle ne soit plus d’actualité, les réussites ou les échecs de ces pionnières demeurent source de précieux enseignements. Tout particulièrement pour les startups engagées une insurtech 2.0 construite sur des stratégies différentes, mais dont l’objectif reste le même : appuyer le secteur de l’assurance dans sa grande et nécessaire transformation.

🧐 La startup à suivre : ICEYE, une pépite à garder à l’œil !

Elle fait partie de ces startups parfois difficiles à classifier. D’ailleurs, tout le monde n’est pas d’accord. Insurtech, Climate Tech, Risk Tech, Data provider… Au final, la terminologie importe peu. Car ICEYE poursuit sa trajectoire stellaire et continue de développer des solutions apparaissant de plus en plus pertinentes pour le secteur de l’assurance.

Si vous n’en avez pas encore entendu parler, ICEYE, c’est la spécialiste de l’imagerie radar à synthèse d’ouverture (SAR) pour l’observation de la Terre, la surveillance continue et la gestion des catastrophes naturelles. La startup finlandaise peut compter sur une impressionnante flotte de satellites qui lui procure ces précieuses données.

Une proposition de valeur qui séduit. ICEYE vient en effet d’annoncer récemment une nouvelle levée de fonds d’envergure. 86 millions d’euros, qui viennent s’ajouter à un total impressionnant de plus de 400 millions d’euros aimantés depuis sa création.

Ces capitaux vont lui permettre notamment d’accélérer le développement de solutions pour l’assurance. A l’heure où le secteur est confronté au défi majuscule du changement climatique, il doit faire preuve d’inventivité pour mieux adresser des risques en pleine mutation. Le recours à une data fiabilisée et raffinée s’impose comme l’une des clés pour mieux prévenir, souscrire et réagir. Les outils d’ICEYE prennent dans ce contexte tous leur sens.

La pépite nordique multiplie d’ailleurs les annonces dans l’industrie. Elle qui travaillait déjà avec Descartes ou AON, entre autres, a récemment annoncé sa collaboration avec le réassureur Juniper Re. En parallèle, elle a déployé des solutions autour du péril inondation, spécialement dédiées aux assureurs, au Canada et au Royaume-Uni. Et quelque chose nous dit que ce n’est que le début d’une longue série.

🌀 Le « game changer » : partenariat grand groupe x insurtech, le futur de la distribution ?

Voici l’un des partenariats marquants de l’an dernier. L’annonce de la collaboration, en France, entre BNP Paribas Cardif et Lemonade, avait en effet surpris et suscité de nombreuses réactions. Alors, coup de com’ ou coup de maître ?

Les premiers résultats sont plutôt encourageants. En effet, le partenariat prouve son efficacité en ayant déjà généré 30 000 contrats. Une dynamique s’installe pour Lemonade qui avait, jusqu’alors, du mal à décoller dans nos contrées. Ce succès vient d’ailleurs d’inciter les deux acteurs à étendre leur alliance.

Ils viennent ainsi d’officialiser le lancement d’une offre d’assurance habitation à destination des propriétaires. Le dispositif est lui aussi original, puisque les deux assureurs portent conjointement le risque.

Récemment, Lemonade a précisé avoir réussi à trouver de la traction en Europe. En France, donc, mais aussi en Angleterre, où l’insurtech a également choisi de se reposer sur un nom historique et établi dans le pays, Aviva, pour l’aider à décoller.

Le rapprochement entre grands groupes et startups, qui paraît contre-intuitif sur le créneau B2C où ils sont à l’origine concurrents frontaux, va-t-il être amené à prendre de l’ampleur ? Quand Allianz rachète Luko – en précisant vouloir conserver la marque de la startup -, il ne fait pas autre chose.

L’objectif consiste ici à tirer profit du meilleur des deux mondes. La solidité et la réputation de l’assureur historique, mixées à l’UX et le savoir-faire digital de la startup.

Ce modèle win-win permet au corporate de rafraîchir son image et d’élargir ses horizons, et à l’insurtech de se lancer dans des géographies nouvelles – manœuvre, on l’écrivait dans notre dernier baromètre, souvent très fastidieuse -, voire de trouver un exit. Dans un contexte où l’on attend des consolidations, ces types de rapprochements pourraient ainsi se multiplier très prochainement.

💰 Les principales levées du mois dernier en Europe

Début de trimestre calme, avec seulement trois deals répertoriés. Mais néanmoins des propositions très intéressantes ! A commencer par celle de Pula, qui vient de lever 18,8 millions d’euros. Cette Série B va aider l’insurtech basée en Suisse, mais œuvrant dans les pays émergents, en Afrique, Asie et Amérique latine, à poursuivre le développement de produits calibrés sur les besoins et ressources des petits exploitants agricoles.

Estaly, de son côté, se donne aussi les moyens de passer la vitesse supérieure avec une opération de 3,6 millions d’euros. Spécialiste de l’embedded, la startup française conçoit notamment des produits d’assurance facilement implémentables par les petits e-commerçants. Un positionnement clairement dans l’air du temps.

Enfin, Laka renfloue ses caisses avec l’appui d’un corporate néerlandais, Achmea. Ce financement s’inscrit dans la lignée de la levée de fonds qui avait vu l’insurtech spécialiste des nouvelles mobilités capter 7,6 millions d’euros et racheter au passage la startup tricolore Cylantro.

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