Levée de fonds, l’envers du décor ! Les secrets dévoilés par Descartes Underwriting et BlackFin Tech

Levée de fonds, l’envers du décor ! Les secrets dévoilés par Descartes Underwriting et BlackFin Tech

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
05 juillet 2021 - 5 minutes

Elle fascine autant qu’elle intrigue. La levée de fonds est aujourd’hui érigée au rang d’étalon pour mesurer le dynamisme des secteurs émergents, et notamment celui de l’assurtech. A l’heure où plus une semaine ne se passe sans l’annonce d’une opération d’envergure, nous avons voulu en savoir plus sur ce phénomène. Pour nous éclairer sur ces questions, les experts Tanguy Touffut, CEO de Descartes Underwriting, et Julien Creuzé, partner chez BlackFin Tech, ont accepté de nous raconter leur expérience.

Un coup de cœur réciproque

Tanguy Touffut Julien Creuzé

Avant de penser à devenir une licorne, mot magique qui met tout un écosystème en effervescence, il y a les débuts. Comment, lorsque l’on part de zéro, ordonner sa stratégie ? Quels fonds aller démarcher ? Et comment les convaincre d’investir dans notre aventure ? Entre Descartes et BlackFin Tech, l’histoire se noue autour d’une anecdote et comme bien souvent, de l’humain. Nous sommes en 2018. A la recherche d’un expert sur les sujets paramétriques, Julien approche un membre de l’équipe de Tanguy. Rapidement, les deux parties identifient une convergence dans leur vision et leurs objectifs.

« On a trouvé que BlackFin Tech avait une belle réputation, avec des gens qui ont créé des entreprises. Une empathie s’est installée, se souvient Tanguy Touffut. De plus, avoir dès le départ un partenaire qui connait très bien notre secteur, les métriques, l’aspect réglementaire comme les difficultés, c’était un gage de solidité sur le long terme. En l’espace de quelques semaines, on a compris que cette collaboration s’imposait naturellement. »

Le coup de cœur est réciproque. Les équipes de BFT voient en effet tout de suite en Descartes une pépite à côté de laquelle il ne faut pas passer. « Ce qu’on a particulièrement aimé chez Descartes, c’est que ce sont des experts, des gens qui connaissent bien le monde de l’assurance et qui sont reconnus dans le secteur, appuie Julien Creuzé. Et ils affichaient dès le départ une très forte ambition. » L’affaire est donc ficelée avec l’annonce d’un seed de 2 millions d’euros dévoilé en février 2019.

 

« Si Tanguy nous avait dit : « je veux être le leader de l’assurance paramétrique en France », on n’aurait pas investi dans Descartes »

Descartes Team

Le « match » entre Descartes Underwriting et BlackFin Tech semble idyllique : une belle rencontre humaine, un feeling partagé, l’envie quasi instinctive de construire ensemble. Derrière la façade romancée, ne vous étonnez toutefois pas de trouver une bonne dose de pragmatisme. Les startups en quête d’une levée de fonds pullulent aux quatre coins de la planète. Pour un VC, une implacable rigueur doit donc dicter la conduite des opérations.

Au-delà du feeling, BFT a donc scrupuleusement décrypté certains points autour de la capacité d’exécution de l’assurtech, à savoir :

  • L’expertise technique : sont-ils suffisamment solides pour créer des modèles d’assurance paramétrique novateurs en utilisant des ressources comme les données satellitaires ?
  • Le track record des produits assurantiels : ont-ils bonne opinion auprès des assureurs / réassureurs ?
  • Le réseau : disposent-ils d’un réseau de gros courtiers corporate pour distribuer leurs produits ?

Afin de se projeter dans une aventure sur potentiellement 5 ou 10 ans, voire plus, le fonds doit aussi impérativement sonder les perspectives du projet. C’est la dernière pièce essentielle au puzzle. « On n’aurait pas investi dans Descartes si Tanguy nous avait dit : « je veux être le leader de l’assurance paramétrique en France », parce qu’on n’aurait pas jugé ce marché suffisamment gros, précise Julien Creuzé. Chez Tanguy, on a aimé son ambition, sa volonté de pousser très vite les frontières et sa capacité à attirer des talents internationaux. »

Descartes grandit et se montre rentable très rapidement. Ce dynamisme conforte BlackFin Tech dans son choix. Le projet d’une levée de fonds de Série A affleure donc logiquement. Une pandémie va toutefois embarquer le monde dans un océan de doutes et d’incertitude.

« En 2021, nous sommes appelés en moyenne près de deux fois par jour par des fonds ! »

Licorne French Tech

La première vague de COVID-19 met le monde à l’arrêt. Face à cette situation, certains VC se recroquevillent sur leur portefeuille… mais d’autres adoptent des postures plus courageuses. C’est notamment le cas de BlackFin Tech. Ainsi, dès la sortie du premier confinement, à la mi-mai 2020, Tanguy Touffut, avec l’appui de son partenaire de la première heure, se met en quête d’investisseurs pour lever une Série A. Le projet se concrétise fin juillet, avant l’annonce officielle d’une opération de 15,2 millions d’euros début septembre.

Le paradoxe d’un marasme économique est qu’il est aussi un contexte propice au changement et à l’accélération. « Sur la digitalisation, on a gagné des années en 12 mois ! Et ça a permis au secteur de l’assurance d’opérer une remise en question », appuie Tanguy. Les assurtechs qui disposaient du business model adapté ont ainsi pu profiter de la situation pour poursuivre leur croissance, malgré leur jeunesse. Et un an plus tard, la situation a déjà complètement changé, avec une sphère insurtech européenne en complète effervescence actuellement. « En 2021, nous sommes appelés en moyenne près de deux fois par jour par des fonds américains ou asiatiques », poursuit Tanguy.

Mais cette pluie d’argent disponible, est-ce finalement une si bonne chose ? Pour Julien Creuzé, la réponse est affirmative et enthousiaste. « C’est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs qui ont les moyens de développer leurs idées pour devenir des acteurs mondiaux, ce qui n’était pas possible il y a 5-10 ans. C’est aussi super pour la France, avec Paris qui est devenue en 5 ans une capitale de la tech en Europe, précise-t-il. On est au-delà de l’effet bulle. On est sur des gens, des équipes qui construisent des sociétés exceptionnelles, à l’image des licornes françaises qui brillent par leur capacité à exécuter, grandir et attirer les talents. » La France, enclos à licornes en devenir, dont Descartes Underwriting pourrait certainement être bientôt l’un des plus beaux spécimens.