Cyber assurance, le coup de pompe ?

Cyber assurance, le coup de pompe ?

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
29 mai 2024 - 3 minutes

En quatre ans, ce rapport a su se rendre incontournable. L’étude LUCY – pour Lumières sur la CyberAssurance -, menée par l’AMRAE, permet chaque année de faire un point de passage sur l’état du marché en France.

Cette 4e édition nous fournit de précieux enseignements autour d’un enjeu aujourd’hui incontournable pour les assureurs. Après l’atteinte d’un premier stade de maturité, le marché a-t-il passé la seconde en 2023 ? Quelles sont les dynamiques sur les différents segments, entre les grandes entreprises, ETI et PME ? Et quid de la sinistralité alors que les cyberattaques font régulièrement la une des médias ?

Commençons par le premier chiffre marquant de l’étude – qui a décrypté environ 95% du marché -, celui des primes. On atteint pour 2023 un montant de 328 millions d’euros. Il était de 316 millions d’euros un an plus tôt. Soit une stagnation qui interpelle, quand on rappelle que la croissance était de +58% entre 2021 et 2022.

Chiffres cyber assurance 2023

Rappelons d’abord que la France n’est pas un cas isolé. Le plus gros marché mondial, à savoir les États-Unis, affiche une courbe à la baisse pour la première fois, avec – 1% de primes captées en 2023. On semble donc très loin d’une dynamique qui pourrait propulser le marché à 29 milliards de dollars à l’horizon 2027 comme le prévoit Munich Re.

Comment l’expliquer ? En creusant, une autre statistique saute aux yeux. 0% d’évolution sur le marché des grandes entreprises. Signe que les assureurs demeurent extrêmement prudents sur un risque qui continue de susciter leur défiance. Loin de se montrer innovants, ils n’incitent pas les structures qui ne sont pas déjà couvertes à franchir le pas.

Le risque cyber n’est pas inassurable… mais pas à n’importe quel prix, rappelait d’ailleurs récemment SCOR. Et tant pis si vous n’avez pas les moyens ! Les chiffres sont clairs et le constat implacable. Alors que les volumes demeurent modestes, ce déficit de croissance indique tout simplement que les assureurs n’ont pas d’appétence pour le cyber.

Des points positifs mais un édifice qui demeure fragile

Tout n’est cependant pas noir sur le marché de l’assurance cyber, loin de là. Au rayon des bonnes nouvelles, on repère des métriques positives sur les segments des plus petites structures. + 47% d’ETI et + 194% d’entreprises de taille moyenne couvertes. La croissance se situe sur ce créneau en 2023. Attention toutefois à un petit biais dans la lecture des résultats : Stoïk n’intégrait pas l’étude l’an passé.

Il semble donc que les cyber insurtechs – Stoïk et Dattak en tête – commencent à trouver de la traction. A titre d’exemple, Stoïk annonçait 10 millions € de primes pour environ 3 000 contrats en 2023.

Du côté de la sinistralité, les statistiques sont là aussi encourageantes. Le taux global de 12% représente en effet un plus bas historique.

Sinistralité cyber 2023

Voici un signe que la souscription est plutôt bien maîtrisée – et surtout très prudente ! -, avec notamment une prévention et une sécurisation qui portent leurs fruits auprès des entreprises assurées.

Cependant, eu égard à la taille du marché, un ou deux gros sinistres suffiraient à faire exploser le pourcentage. Et ne sont pas pris en compte les sinistres non déclarés, qui peuvent monter jusqu’à 40% chez certains assureurs.

Enfin, l’étude n’intègre pas la sinistralité liée à la RC Pro impliquée dans des événements cyber comme ceux qui ont touché France Travail ou United Healthcare outre-Atlantique. L’édifice reste donc fragile.

Le contexte international tendu (élections à venir, Jeux olympiques) comme les menaces engendrées par les nouvelles technologies (dont l’IA générative) inquiètent également. Les enjeux sont aujourd’hui à la hauteur de la menace, énormes.

L’assurance ne peut espérer se dérober mais, comme sur le climat, ne pourra faire front seule. L’approche en écosystème et le développement de solutions holistiques, en coopération avec d’autres acteurs de la sphère cyber, pourraient dès lors constituer une planche de salut pour les acteurs du secteur.

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