Rachat confirmé pour Luko, quelles leçons en tirer ?

Rachat confirmé pour Luko, quelles leçons en tirer ?

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
16 juin 2023 - 4 minutes

Luko a enfin trouvé preneur. En quête d’une porte de sortie depuis plusieurs mois, l’insurtech spécialiste de l’habitation vient d’officialiser son rachat par Admiral Group, l’assureur britannique qui opère en France avec sa filiale L’olivier Assurance.

Le modèle économique était devenu intenable et l’issue inéluctable. Luko, c’est l’histoire d’une insurtech qui s’est brûlé les ailes, mais a malgré tout semé des graines qui compteront dans la nécessaire transformation du secteur.

L’information était attendue. Il faut dire qu’il y avait urgence, avec une procédure de sauvegarde accélérée déclenchée pour trouver une solution à une ardoise de 45 millions d’euros. Jeudi soir, Luko a donc confirmé avoir trouvé un accord pour passer sous le pavillon d’Admiral Group.

Dans le détail, l’assureur britannique rachète l’activité historique de Luko en France, celle de courtage. Selon nos informations, le montant de l’opération avoisinerait un peu plus de 10 millions d’euros. On parlerait de 11 millions + 3 millions pour les fondateurs. Ces derniers auraient pu déclencher une clause de cashout incluse dans la Série B.

Une somme assez dérisoire. Surtout si l’on considère que la startup a levé plus de 70 millions d’euros depuis sa création en 2016 et qu’elle était encore valorisée à près de 250 millions d’euros il y a peu !

Vendredi soir, on apprenait qu’Ornikar s’était aussi positionné sur le dossier de rachat dans un post LinkedIn de Philippe Maso y Guell Rivet. Malgré une offre « très compétitive » pour former un « leader de l’assurtech à vocation européenne », les « jeunes dirigeants de Luko » n’ont pas été convaincus par la pertinence du projet, précise le CEO, manifestement un brin amer.

👉 Pour en savoir plus sur l’historique et les chiffres clés, retrouvez le décryptage sur LinkedIn de Benjamin Charles, actionnaire d’Unkle, particulièrement bien informé sur les coulisses de l’affaire.

Admiral Group récupère ainsi la technologie et l’UX Luko. Mais aussi un portefeuille évalué à 450 000 clients qui va lui permettre d’accélérer sur le créneau MRH dans l’Hexagone, via les activités de L’olivier Assurance. Les autres branches de Luko (l’assureur allemand Coya, racheté en 2022, et l’insurtech Unkle, acquise également l’an passé), feront l’objet de ventes séparées.

De la nécessité d’injecter de la nuance

Ce premier gros crash d’une insurtech française a enflammé les réseaux ces dernières heures. Les communications officielles, présentant l’opération comme une réussite et laissant présager d’une nouvelle ère radieuse pour Luko, semblent éloignées de toute réalité. A l’inverse, les réactions vigoureuses de ceux qui tapent sur la bête blessée pour valider l’échec du modèle insurtech, méritent également d’être nuancées.

Si l’on prend un peu de hauteur, il est clair que Luko a joué avec le feu. La startup a déployé de lourds moyens financiers pour se développer vite et fort. Beaucoup de cash burn dans le marketing et l’acquisition, des coûts certainement mal contrôlés… mais une marque qui s’est néanmoins imposée aux yeux du grand public, et ça, ce n’est pas anecdotique ! Aujourd’hui, sa traction est d’ailleurs bien supérieure à de nombreux acteurs établis du secteur sur les nouveaux contrats d’assurance habitation.

Il ne faut également pas perdre de vue la réalité du modèle Luko. Celui d’une startup vouée à devenir rapidement une scale-up, puis une licorne. Rappelons que 90% de ses projets échouent au final. Et que ce sont aussi ces échecs qui favorisent les transformations structurelles dans chaque secteur.

Ici, Luko a été rattrapée par le retournement de marché en 2022. Hausse des taux, fermeture des robinets, pas de Série C à 100 millions d’euros. Elle ne sera pas la seule à payer au prix fort une récession économique dont elle n’est pas responsable.

L’insurtech a encore de l’avenir !

Comme Icare, l’ambitieuse Luko s’est donc brûlé les ailes. Faut-il tout jeter pour autant ? Non, assurément non. Le discours sur la nécessaire simplification de l’assurance, le travail soigné pour réinventer l’expérience utilisateur, la positionnement engagé de l’entreprise, la capacité à créer un nom fort dans l’écosystème, constituent une empreinte forte, que l’on n’effacera pas si facilement.

Il faudra bien sûr tirer des leçons de cet échec. Mais aussi conserver les bonnes choses, qui, si on lit entre les lignes, confirment à plus d’un égard que l’avenir de l’assurance se conjuguera au digital. De nombreuses choses se passent d’ailleurs actuellement sur la scène seed côté investissement. L’insurtech 1.0 est peut-être morte… alors vive l’insurtech 2.0 !

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