"L'ambition d'Akur8 ? Être le leader mondial de la tarification !" - Itw exclusive de Brune de Linares

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
08 septembre 2023 - 9 minutes

Mais où s’arrêtera la tornade Akur8 ? Depuis son arrivée dans l’écosystème, l’insurtech parisienne connaît une progression fulgurante. Sa solution de modélisation et de tarification boostée à l’IA n’en finit plus de séduire les clients assureurs, donnant vie à une ambition aujourd’hui internationale.

La pépite a entamé la rentrée fort avec l’annonce d’une nouvelle levée de fonds de 23 millions d’euros. Une bonne occasion d’effectuer un point de passage en compagnie de Brune de Linares. La Chief Client Officer revient, pour nous, sur les coulisses de la levée de fonds en nous présentant les nouveaux investisseurs à bord, détaille les projets de la startup, notamment aux États-Unis, et, de la régulation à l’IA générative, évoque les tendances fortes du moment dans l’insurtech.

Bonjour Brune. Akur8 entame la rentrée avec une solide levée de fonds de 23 millions €. Peux-tu nous en dire davantage et nous présenter notamment les nouveaux investisseurs ?

Nous avons clôturé ce tour de table en juillet. Deux nouveaux investisseurs entrent au capital. Premièrement, FinTLV, un fonds israélien spécialisé dans l’insurtech. Il est très présent aux États-Unis, où il a notamment investi dans Next Insurance ou Hippo. Les partenaires de ce fonds viennent du monde de l’assurance, ils possèdent une solide expertise et nos visions business ont immédiatement concordé.

Nous accueillons également Guidewire à bord. Il s’agit du premier partenaire stratégique non financier qui vient nous accompagner. Ce rapprochement s’inscrit dans une volonté de renforcer la collaboration déjà existante entre nous, et de travailler ensemble sur l’intégration de nouveaux produits sur leur plateforme.

Et nous sommes évidemment ravis de pouvoir encore compter sur BlackFin Tech, notre partenaire historique qui nous supporte depuis les débuts, et continue de le faire.

Eu égard au contexte actuel, a-t-il été plus compliqué d’aimanter des fonds que lors de votre Série B en 2021 ?

Je n’ai pas trouvé ça plus difficile… ni plus facile ! Le contexte du moment, marqué par les difficultés de plusieurs néo-assureurs, impose une nouvelle exigence autour des business model des startups. Je pense qu’il faut être transparent et clair sur ses ambitions, comme sur la trajectoire planifiée. Et être solide sur l’opérationnel, évidemment.

Chez Akur8, on a toujours délivré nos promesses. De plus, nous vendons du logiciel à de grandes entreprises, sur des cycles de vente longs. Nous sommes dès lors assez prédictifs et à l’abri d’effets de retournement de marché à gérer.

On n’est pas du tout sur un segment B2C où les chiffres peuvent exploser ou plonger d’un mois sur l’autre. Notre positionnement crée une crédibilité auprès des investisseurs qui fonctionne au moment où nous souhaitons lever des fonds.

23 millions d’euros, était-ce la somme attendue ?

Nous avons toujours eu une approche assez conservatrice. Depuis le départ, nous levons les sommes qui nous paraissent nécessaires pour, à la fois, accélérer le business sans se mettre dans une situation inconfortable.

On se pose la question de savoir quel est l’argent dont on a vraiment besoin. Sans forcément s’arrêter à l’argent que l’on est prêt à nous donner.

Sur cette nouvelle levée, nous sommes donc complètement alignés avec les montants que l’on cherchait sur le marché.

Alors que le terme « rentabilité » opère un retour en grâce, où en est Akur8 côté croissance et performances économiques ?

Nous sommes toujours dans une phase de très forte croissance, « triple digit growth ». Une dynamique soutenue par un business model structurellement profitable et sain.

Notre trajectoire ne nécessite pas, sauf choix de notre part, de financement extérieur. Donc le fait de lever des fonds est un choix et une liberté que l’on s’accorde en fonction de la vitesse à laquelle on veut aller. Mais ce n’est aucunement une nécessité à la survie d’Akur8.

Akur8 USA

Quelles sont vos ambitions avec cette nouvelle opération tout sauf anecdotique ?

Si notre ambition demeure internationale, l’enjeu prioritaire est de se développer aux États-Unis. Il s’agit tout simplement du plus gros marché mondial de l’assurance, c’est colossal. Et pour atteindre nos objectifs, il faut nécessairement investir.

Le coût des ressources aux États-Unis est plus élevé. On pense notamment au recrutement de nouveaux talents. Nous voulions donc avoir des moyens à la hauteur de notre ambition : être le leader mondial de la tarification, tout simplement !

Une équipe dédiée avec une douzaine d’employés, sur tous les sujets (commercial, actuariat, produit, technique), opère aujourd’hui sur place. Nous avons près d’une quinzaine de clients dans le pays, et nous comptons plus que doubler notre portefeuille chaque année.

D’ici trois ans, nous souhaitons que le chiffre d’affaires d’Akur8 aux USA, qui est déjà le plus important de notre activité, représente plus de 50 % de notre CA total.

En parallèle, nous comptons aussi poursuivre notre déploiement en Asie. Nous avons ouvert un hub à Tokyo en début d’année. La dynamique est bonne, matérialisée notamment dans le partenariat récemment signé avec Tokio Marine. Il y a aussi un vrai besoin de transparence et de capacités de modélisation dans cette zone.

Allez-vous également étoffer votre gamme de produits ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec Guidewire qui est désormais au capital. De nouvelles fonctionnalités vont sortir d’ici la fin de l’année, avec notamment un module d’analyse d’impact novateur.

L’année suivante sera consacrée à travailler encore plus loin dans la chaîne de tarification. Nous sommes, à l’origine, des spécialistes de la modélisation, et nous sommes en train de remonter la chaîne pour aller jusqu’à la facilitation de la mise en production des tarifs.

Depuis vos débuts il y a un peu plus de 4 ans, avez-vous constaté une évolution du regard des assureurs par rapport à Akur8 en particulier, et l’insurtech en général ?

Le plus grand changement par rapport à nos débuts, c’est la crédibilité que l’on a aujourd’hui sur le marché. Je pense qu’il demeure difficile d’être disruptif dans le secteur de l’assurance. Trouver les premiers qui vont se lancer dans l’aventure n’a rien d’évident… Mais après 4 ans, avec plus de 100 clients, dont certains mondialement connus comme AXA, Generali, ou Munich Re, nous avons cette crédibilité qui facilite évidemment les choses.

On observe aussi une vraie conscience qui émerge de la part des assureurs quant à la nécessité de s’équiper de technologies fournies par des enablers. Ils comprennent que c’est essentiel pour leur business et leur transformation. Par exemple, on n’a plus la moindre discussion sur les sujets cloud, c’est devenu une norme.

Nous sommes par ailleurs dans un moment où il y a, à la fois, de plus en plus de régulation avec une demande de transparence, de l’inflation et une compétition qui se densifie. Pour demeurer compétitifs, les assureurs doivent donc s’équiper auprès d’accélérateurs technologiques forts, afin de gagner en agilité et d’être en capacité de répondre aux enjeux du temps présent.

Ce contexte est favorable à l’essor et l’usage des technologies. Je perçois d’ailleurs un bon accueil de la part des clients par rapport à l’innovation, à partir du moment où il y a un niveau de transparence et de maîtrise suffisant.

Akur8 insurtech

Quels sont vos plus grands challenges au quotidien dans vos relations avec les corporates ?

Nous adressons une spécialité et un cas d’usage au cœur du métier de l’assureur. La souscription est critique, il faut dès lors montrer patte blanche. Les assureurs ont nécessairement besoin de s’assurer de la fiabilité de notre proposition, de la solidité des équipes, avant de prendre la décision de basculer sur notre solution.

Depuis le début, nous avons toujours eu une approche de vente basée sur l’expérimentation. Nous donnons la possibilité à nos clients de tester la plateforme avec leurs actuaires et leurs données. Ils doivent pouvoir s’assurer que ça fonctionne dans leur contexte, car nous ne sommes pas sur des sujets d’exploration annexe. Les conséquences sont directes.

Mais ce qui reste le plus compliqué à gérer pour nous, c’est le temps. En tant que startup, notre relation au temps est fondamentalement différente.

Cela implique de structurer l’organisation d’Akur8 d’une certaine façon. La clé réside dans la capacité à gérer de front un volume de discussions important. Nous ne pouvons pas être dépendants de 2 ou 3 missions qui ont le risque de s’étirer dans le temps.

On ne raccourcira pas les cycles de vente, c’est un élément inhérent à l’industrie. Donc être en mesure de mener plusieurs projets avec le même niveau de service, c’est essentiel.

Quelles sont, selon toi, les grandes tendances qu’il faut suivre dans l’assurance ?

Je pense que la régulation est un sujet majeur. On parle de la régulation de l’IA et de la régulation des produits d’assurance. Ce terme s’impose au cœur des discussions partout en Europe. Un marché comme le Royaume-Uni commence par exemple à être davantage régulé. Notamment avec le Price Walking Ban de la FCA, soit l’interdiction de différencier les prix à l’acquisition et au renouvellement.

Un autre sujet chaud concerne la profitabilité des produits d’assurance. Beaucoup d’insurtechs ont stoppé la souscription de nouveaux contrats car leur structuration de produits et de prix ne sont pas pérennes.

Cet enjeu de profitabilité et de maîtrise de la souscription du risque prend une importance capital dans le contexte actuel.

L’assurance n’est pas un business d’acquisition pure ! Il y a une exigence en matière de technique assurantielle qui est prépondérante. L’enjeu n’est désormais plus seulement de conquérir de nouveaux clients à tout prix, mais d’avoir des produits viables financièrement dans le temps.

Quid de l’IA générative ? Game changer en puissance ou alors en fait-on un peu trop ?

Dans le processus de tarification Akur8, nous n’embarquons pas de technologie d’IA de ce type. Sur la tarification, avec des approches très statistiques, on ne voit pas de cas d’usage particulier.

Mais l’IA générative ouvre un potentiel vaste et un champ d’expérimentation très intéressant. J’ai travaillé pendant longtemps chez IBM et Google, je suis forcément sensible au phénomène !

Il est donc intéressant d’explorer cette technologie afin de faire émerger des cas d’usage pérennes et valorisés par le client. C’est une source d’innovation qu’il serait dommage d’ignorer au regard des progrès énormes effectués ces derniers années. Je trouve ça assez impressionnant !

Quel rôle pour les insurtechs et la technologie face au défi climatique ?

Aujourd’hui, avec l’augmentation des catastrophes naturelles en fréquence comme en intensité, l’enjeu climatique sort même de l’exercice de tarification et de modélisation. Il pose la question de déterminer ce qui est assurable, qui porte le risque et quelle mutualisation doit-on mettre en place pour porter ce risque.

On le voit aux États-Unis, avec l’explosion des primes, l’accès à l’assurance devient compliqué sur certains biens. Certains assureurs arrêtent même de souscrire de nouveaux contrats. Cela devient un enjeu politique et social, encore plus que technologique.

La technologie va pouvoir apporter de l’agilité, permettre de prédire de plus en plus finement le risque. Mais son usage doit être porté par une réflexion sur le rôle social et politique de l’assureur et des produits d’assurance.

Comme toujours, la technologie est un enabler d’une prise de décision éclairée. Elle ne vient jamais remplacer ou dédouaner l’utilisateur des décisions qu’il prend.

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