Insurtech Express #10 | 7 questions à Julien Jacquemin de Gedeon

Insurtech Express #10 | 7 questions à Julien Jacquemin de Gedeon

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
22 juin 2023 - 9 minutes

En 2023, quelle personne active est capable de dire qu’elle a tout compris sur sa retraite ? Qu’elle sait quand elle la prendra et combien elle gagnera ? Très peu de gens ont ce “privilège”. Pourtant, l’actualité de ces derniers mois nous l’a bien prouvé, il s’agit d’un sujet important pour les Français. C’est donc pour aider à répondre à ces questions que Gedeon a vu le jour. Le but de la startup est simple : proposer aux entreprises d’offrir à leurs salariés un Plan d’Epargne Retraite plus simple, plus responsable, plus transparent.

Julien Jacquemin et Jean-Baptiste Chalnot, anciens actuaires, sont à l’origine du projet. S’ils n’ont alors pas encore les codes du monde de l’entrepreneuriat, les retraites et l’assurance, ils connaissent. C’est donc armés d’un savoir-faire éprouvé et d’une détermination à toute épreuve qu’ils se lancent dans l’aventure Gedeon en 2022. Julien Jacquemin, CEO, revient, avec nous sur l’histoire de son insurtech, qui porte en elle des valeurs de résilience et une volonté de transformer les codes de ce secteur. 

👨‍🏫 Hello Julien ! Gedeon, c’est quoi ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Mon dernier fils est en CM1, donc je vais faire comme si je m’adressais à lui. Tout d’abord, je lui parlerais du fait qu’il est resté plusieurs fois à la maison cette année parce que sa maîtresse faisait grève à cause des retraites. Que sa maman et moi, nous étions obligés de télétravailler à cause des grèves dans les transports.

Et nous en fait, chez Gedeon, on essaie de faire en sorte que ces personnes qui font grève puissent comprendre à quel âge elles vont partir à la retraite, de quoi sera composée leur retraite et comment faire en sorte de l’améliorer, de l’augmenter.

🍾 Comment tout a commencé pour Gedeon ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

Je suis actuaire depuis 20 ans, j’ai toujours travaillé dans la protection sociale, dans l’actuariat-conseil aux entreprises, dans différents cabinets. Et j’ai toujours mis en place des dispositifs de retraite, pour des dirigeants du CAC 40 notamment, et diverses entreprises. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré deux de mes associés, qui sont dans le tour de table de Gedeon.

En 2020, on s’est tous lancés à notre compte autour d’activités liées à la gestion administrative en retraite. Or, on le sait tous, 2020 et 2021 sont des années où tout était compliqué. Surtout pour lancer son entreprise ! Alors, avec un de mes associés, Jean-Baptiste Chalnot, on a eu beaucoup, beaucoup de temps pour réfléchir et discuter. 

On avait constaté que les montants des levées de fonds opérés par certaines entreprises étaient très impressionnants. Souvent démesurés, même, pour des structures qui, certes, étaient très belles sur le papier, mais qui ne communiquaient pas sur leurs chiffres. Nous, on savait mettre en place des régimes de retraite, déployer des produits, gérer administrativement des dispositifs. Donc, pourquoi pas, à notre tour, lancer notre startup, sur la thématique de la retraite ?

Avec la promulgation de la loi PACTE fin 2019, quelques startups s’intéressaient au sujet. Cependant, tous ces projets ne concernaient pratiquement que les PER individuels et pas les PER d’entreprises. On avait donc une vraie place à prendre. Et c’est ainsi que l’on s’est lancés dans cette aventure.

Et pourquoi ce nom, Gedeon ?

Gedeon, c’était le prénom du nounours que mon grand-père m’avait offert quand j’étais petit. On voulait un prénom qui incarne quelque chose. Mon grand-père a eu une longue retraite. De 55 ans à plus de 90 ans ! Je trouvais que c’était un bel hommage à lui faire.

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre sur Gedeon, lequel ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

Je dirais : un ! C’est un peu insolite. C’est le nombre de salariés – côté clients – à avoir envoyé un mail pour se plaindre qu’on les tutoyait ! En fait, sur tous les gens qu’on a onboardés, une personne nous a écrit afin de nous expliquer que la langue française était suffisamment riche pour que l’on n’ait pas besoin de le tutoyer dans la plateforme. Nous ça nous a bien fait rire, et le DRH de l’entreprise concernée aussi. Il était simplement content que les gens parlent de nous. 

Mais au final, on a réfléchi. Et comme nous avons des ambitions sur des projets de plus grande envergure, nous avons lancé une option afin que chacun puisse choisir s’il préfère le vouvoiement ou le tutoiement. On ne veut pas être trop familier, mais notre but, c’est aussi d’être simple, didactique, proche de nos clients. On trouvait ça plus sympa de tutoyer, mais on peut entendre que certaines personnes préfèrent le côté plus formel.

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis. Le plus gros challenge que tu as eu à affronter dernièrement ? 

On est une insurtech, mais on vient du monde de l’assurance plus traditionnelle. Donc notre plus gros challenge s’écrit en plusieurs étapes. Déjà, il a fallu apprendre à fonctionner comme une startup. Pour lever des fonds par exemple.

De notre côté, nous étions certains de savoir faire ce que l’on souhait développer. Ça, c’est très bien… mais le plus important, c’était surtout de convaincre les investisseurs que nous étions capables de vendre, d’être agiles et rapides. C’était un premier très gros challenge l’année dernière.

Ensuite, il a fallu également passer à la phase recrutement de tout l’équipe tech de l’entreprise (market, sales, démarcharge, growth, etc.). La conséquence, c’est que je dois maintenant gérer deux cultures : celle des gens de la tech et celle de ceux issus de l’assurance. Il faut que ces deux cultures fonctionnent ensemble.

Team Gedeon

D’un côté, les individus issus de la tech ont un fonctionnement agile, rapide, sont concentrés sur les objectifs mais ont moins de sensibilité sur les questions de réglementation. En face, on a ce monde de l’assurance qui s’inscrit dans un fonctionnement plutôt historique des entreprises. Eux sont davantage tournés vers la réglementation, la conformité, mais manquent encore d’agilité.

Donc pour moi, il s’agit de notre plus gros enjeu, et je pense qu’il concerne les insurtechs en général. On a vraiment besoin de ces deux profils pour fonctionner, et c’est vraiment un sujet qui m’occupe au quotidien au sein de Gedeon.

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, Gedeon, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?!

Nous sommes encore en phase de lancement de produit. C’est une période durant laquelle il faut être extrêmement agile. Nous nous sommes lancés au moment de cette fameuse réforme des retraites. Je pense qu’il faut plus l’envisager comme un levier de communication de notre côté.

Le but de la réforme était de simplifier nos retraites… mais ça a été tellement compliqué en matière de communication, de débats, que finalement, même moi, j’ai l’impression que ça ne change pas grand-chose. Et dans la tête des gens, c’est presque pire qu’avant ! Donc, nous, on se dit que le timing était idéal pour se lancer.

Si on se projette dans trois ans, l’un de nos enjeux, c’est de devenir une compagnie d’assurance retraite. Chez Gedeon, on fait toute la délégation de gestion. Depuis la gestion des déclarations, les appels de cotisations, jusqu’au paiement de rente des bénéficiaires. Donc déployer ce qu’il reste pour devenir assureur, c’est du travail, mais pas tant que ça.

Et à plus long terme, je souhaite que notre action puisse aider à la transformation du marché de l’épargne retraite. Aujourd’hui, c’est un marché plutôt concentré sur les ETI et les grands groupes, mais tout le monde doit pouvoir en profiter.

Finalement, ce qu’on est en train de faire est de nature à donner l’étincelle qui va faire décoller ce marché. En fait, on apporte un bénéfice RH que l’entreprise va pouvoir mettre en avant. Et comme chaque salarié est concerné et inquiet par rapport à ce sujet, le fait d’avoir une solution supplémentaire pour cotiser dans l’optique de sa retraite a du sens. Donc mon ambition, c’est que, dans 13 ans, Gedeon ait vraiment fait exploser le marché !

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellée dernièrement ?

Je me suis beaucoup intéressé à ce fameux conflit entre Alan et Hoggo. Pour moi, c’est très symbolique. On est face à une démarche très “startup” de la part de Hoggo qui avance un peu avec ses propres règles sur le marché. Et en face, on a Alan, qui a bien grandi depuis ses débuts, et s’offusque. C’est assez légitime de la part d’Alan, pour le coup.

Mais comment l’interpréter ? Pour moi, ça traduit surtout, et encore une fois, cette dualité de culture startup/assurance. Alan a certainement fonctionné ainsi au départ mais a changé de dimension. Et, bien que toujours portée sur l’innovation, elle ne peut plus se « permettre » de telles « incartades ».

Cette situation, je la vis au quotidien. Je dois gérer des comportements de “startup” comme Hoggo et, en même temps, veiller au respect des aspects de conformité et de réglementation. Pour moi, cette affaire est complètement représentative du secteur insurtech.

😋 Question bonus (et ça restera entre nous 😜). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

On aurait pu ne jamais exister ! Quand on commence à évoquer l’idée avec Jean-Baptiste, en 2020, nous sommes concentrés sur le lancement de notre activité de gestion administrative. Nous sommes bien occupés, les clients arrivent, ça démarre bien.

À ce moment, on répond à un appel d’offre pour un accord-cadre. Pour nous, il est imperdable. C’est un de mes anciens dossiers, je connais les interlocuteurs, on a une équipe au top et une super offre. Mais nous le perdons quand même ! Un ancien collègue a fait jouer ses appuis et nous double sur le fil.

Et là, c’est un coup pour nous. Ce projet était structurant pour notre activité en 2022, nous devions doubler notre taille avec ce marché. En plus, il y a une histoire politique en toile de fond, nous perdons pour de mauvaises raisons. 

La période n’est pas bonne. J’attrape le COVID en janvier 2022, je reste au lit pendant un moment. Quand j’en sors, je suis épuisé mentalement et physiquement. Lorsque je reviens au bureau, je dis à Jean-Baptiste que c’est bon, c’est un signe. Il faut maintenant qu’on fasse notre “truc Gedeon dont on a parlé 1 000 fois”. Et c’est comme ça qu’on se lance !

C’était à la fois un signe et un rebond. Depuis, on ne regrette pas du tout. C’est un projet épanouissant, dans lequel nous apprenons tous les jours. Et c’est infiniment plus marrant que ce que l’on devait faire au départ !

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