Insurtech Express #11 | 7 questions à Charlotte Berthaut de Dépist&vous

Insurtech Express #11 | 7 questions à Charlotte Berthaut de Dépist&vous

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
28 juillet 2023 - 8 minutes

Nommée parmi les 40 femmes Forbes 2023, ancienne médecin anesthésiste réanimateur, ambassadrice de la French Care, membre du collectif femme de santé et du collectif FemTech France, et enfin fondatrice et CEO de Dépist&vous. Le parcours de Charlotte Berthaut, jeune trentenaire, laisse déjà admiratif !

La « docpreneure », ainsi qu’elle se qualifie, a quitté son bloc pour s’orienter vers l’aventure de l’entrepreneuriat. Lassée d’arriver trop tard devant ses patients, elle s’est lancée le défi de les prévenir le plus tôt possible. Charlotte créée donc Dépist&vous en octobre 2020. Après des mois de préparation, une première expérimentation en vie réelle voit le jour en 2022. Un succès qui l’a encouragée, cette année, à lancer officiellement sa plateforme web. Découverte d’une pépite en devenir qui ne devrait pas laisser le monde de l’assurance insensible.

👨‍🏫 Hello Charlotte ! Dépist&vous, c’est quoi ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Salut les enfants ! Si je vous propose de sauver une vie, ça vous tente ? Vous êtes tous d’accord avec moi, c’est nul de tomber malade. On ne voit plus ses copains, on ne peut plus aller à l’école ou au travail. On est même fatigué et parfois, on a mal.

Alors, avec mon équipe, on a créé une solution qui s’appelle Dépist&vous. Elle se concentre sur la lutte contre une maladie en particulier : le cancer. 

Dépist&vous, c’est une application web, qu’on appelle aussi une plateforme digitale. Elle propose des astuces et des conseils de prévention, mais aussi des informations sur le cancer. Et elle explique comment s’en protéger.

Vous pouvez même répondre à des questionnaires, où il n’y a pas de mauvaises réponses, pour savoir si vous devez aller chez le médecin faire des examens pour vérifier que tout va bien.

Notre but, c’est de faire de la prévention. Mais, c’est quoi au juste, la prévention ? C’est plein de petites astuces que vous pouvez faire au quotidien pour éviter de tomber malade. C’est par exemple manger des fruits et légumes, boire de l’eau plutôt que des sodas, faire du sport, se faire vacciner contre certains virus, etc. La prévention, ça permet de rester en bonne santé et d’éviter la maladie. 

🍾 Comment tout a commencé pour Dépist&vous ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

Tout est parti d’un constat lorsque je travaillais dans un centre de lutte contre le cancer. J’avais l’impression d’arriver toujours trop tard. La maladie était déjà là, je ne pouvais plus agir. C’était très frustrant.

J’en avais marre aussi d’entendre les patients me dire : « Si j’avais su », « J’aurais dû faire mon dépistage », « Je ne savais pas que j’étais à risque », etc.

En faisant mes recherches, j’ai constaté que seulement 9 millions de dépistages étaient réalisés chaque année, contre les 20 millions recommandés. Pourtant, avec les bons leviers de prévention et de dépistage, on peut éviter près d’un cancer sur deux !

En parallèle, un de mes proches a été diagnostiqué d’un cancer, un mélanome, qui est un grain de beauté qui dégénère un peu. C’est quelque chose qui se voit à l’œil nu. Son pronostic vital était engagé. 

C’est à ce moment-là que j’ai eu un déclic. Je me suis dit qu’il valait mieux se tourner vers la prévention que vers le soin. Et il faut pouvoir sensibiliser le plus tôt possible. Dès l’âge de 18 ans déjà. Ça permet par exemple de rattraper des jeunes qui n’ont pas eu la vaccination HPV, qui peut se faire jusqu’à 19 ans.

« Parce que prévenir maintenant, c’est avoir moins à guérir demain ! »

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre sur Dépist&vous, lequel ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

Déjà, pour l’anecdote, chez nous, on est plus team kombucha que café ! C’est bon pour le microbiote.

Blague à part, il y a 2 chiffres qui reflètent bien notre évolution :

  • 93 % de nos utilisateurs ont suivi les recommandations de Dépist&vous. 
  • 94 % recommandent Dépist&vous et trouvent son utilisation facile et utile.

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis. Le plus gros challenge que tu as eu à affronter dernièrement ? 

Je n’ai pas commencé seule, mais je me suis sentie très seule. 

Le plus gros challenge pour moi, ça a vraiment été de rebondir après avoir été lâchée par deux associés indécis et non endurants. Parce que oui, l’entrepreneuriat, c’est de l’endurance.

Et donc, ça a été difficile parce que je me suis retrouvée seule à deux reprises. J’ai dû recruter et manager sans avoir d’expérience dans ce domaine, mener une levée de fonds, etc.

En fait, j’avais l’impression de cocher des cases de « non-confiance ». Je suis solopreneure déjà. Je suis une femme. En âge de procréer. C’est important de l’ajouter parce que les gens n’accordent pas leur confiance aux femmes seules qui pourraient potentiellement avoir des enfants. Enfin, je suis médecin, je n’avais donc, à première vue, pas les compétences pour entreprendre. 

J’ai bien senti que c’était compliqué d’obtenir la confiance des investisseurs. C’était mon challenge 2022.

Autre défi, c’est celui de la prévention, qui nous concerne tous. Pour Dépist&vous, le plus dur a été de démontrer qu’il y avait un modèle économique autour de cette prévention et du dépistage des cancers. 

Il a donc fallu impliquer tous les acteurs de la prévention. Notre but était de leur montrer les avantages à investir dans cette démarche, même si les bénéfices semblent évidents. Cela leur permet à la fois de valoriser leur engagement social et sociétal, tout en se différenciant de la concurrence.

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, Dépist&vous, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?!

Il faut être un peu ambitieux dans la vie ! Donc je vois que dans 3 ans, Dépist&vous sera la référence en matière de prévention et de dépistage en France. Qu’une large partie de la population l’utilisera.

Grâce à un outil digital comme Dépit&vous, on pourra augmenter le taux de participation au dépistage des cancers pour enfin atteindre les objectifs et les standards de l’EU. Parce qu’aujourd’hui, on en est loin !

Par ailleurs, on souhaite qu’un jour Dépist&vous soit en mesure de proposer des parcours de dépistage pour d’autres maladies chroniques que le cancer. 

Et sur du plus long terme, que Dépist&vous soit décliné dans tous les pays d’Europe, car les enjeux sont finalement les mêmes chez tous nos voisins.

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellée dernièrement ?

En juin, Femtech France a publié un baromètre avec Wavestone dans lequel ils expliquent que le nombre de startups femtech a explosé de 40 % en seulement 7 mois. C’est énorme et très encourageant.

Pourtant, il y a une autre réalité. Les financements sont encore très majoritairement, à 98 %, dirigés vers les hommes. 

Et il y a un autre chiffre à prendre en compte. 34 % des startups à impact sont créées par des femmes. Que ce soit dans le domaine environnemental, social, sanitaire, du handicap, etc. Ce sont des secteurs importants, voire indispensables. Or, les entrepreneuses ne trouvent pas de financements.

Autrement dit, quand on est une femme, on part avec un handicap face aux business angels.

Donc pour moi, c’est ça qu’il faudrait travailler. On doit pouvoir favoriser l’accès au financement pour des femmes qui ne sont pas associées ou en tout cas, pas avec des hommes. Parce que les femmes qui s’associent entre elles sont confrontées au même problème. 

Je fais partie des collectifs FemTech France et Femmes de Santé. La volonté de ces groupes est de pouvoir valoriser ces projets, de trouver des synergies, des financements. Aujourd’hui, il y a une vraie prise de conscience sur la santé des femmes. L’idée, c’est de pouvoir s’appuyer sur cette femtech pour travailler sur les sujets spécifiques aux femmes – car oui, nous n’avons pas la même physiologie que les hommes ! – et de repousser les tabous. 

Du côté de Dépist&vous, on a constaté que nous avions une majorité d’utilisatrices (65%). Ce sont elles qui s’occupent de la santé de leur famille, de leurs parents. On essaie donc de jouer également la carte « réduction de charge mentale ». Grâce à notre plateforme, les femmes vont gagner du temps et n’auront plus à penser à tout. Notre objectif est de nous positionner en outil facilitateur et simple qui permet de ne pas oublier toutes les démarches de santé. 

😋 Question bonus (et ça restera entre nous 😜). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

Il y a deux phrases qui ont le don de m’agacer quand elles sont prononcées par la même personne :

  • Ah, mais c’est génial ce que vous faites ! Bravo, on est tous concernés, car on a tous connu ou perdu un proche à cause du cancer !
  • Trouve-toi un associé !

Il y a beaucoup de gens qui valorisent le projet et ça peut juste s’arrêter là. Mais, quand je cherche des financements, on me dit : « Reviens nous voir quand tu auras un associé ! » Bizarrement, c’est toujours UN associé, au masculin…

J’ai souvent entendu ce discours, surtout dans les demandes de financements. Que ce soit du côté des investisseurs, des prêts d’honneur ou des institutions. Tout cela montre bien que la présence d’une femme à la tête d’une startup est un paramètre qui effraie plus qu’il ne rassure, encore aujourd’hui.

Par ailleurs, j’ai essayé de m’associer, mais c’est difficile de trouver les bonnes personnes. Donc, forcément, ça m’agace quand on présente cela comme le graal, la solution qui m’ouvrira toutes les portes.

Je me suis appuyée sur des advisors, j’ai construit un board, à la fois un comité scientifique et un conseil stratégique, j’ai recruté, je me suis entourée d’incubateurs. Je ne suis pas seule.

 

Aucun commentaire sur cet article. Soyez le premier !

Laissez votre commentaire