Insurtech Express #13 | 7 questions à Marc de Beaucorps de Finovox

Insurtech Express #13 | 7 questions à Marc de Beaucorps de Finovox

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
23 novembre 2023 - 9 minutes

En France, la fraude documentaire est en constante hausse. En 2022, 69% des entreprises déclaraient ainsi avoir subi au moins une tentative de fraude. Les assureurs n’échappent pas au phénomène, la fraude concernant entre 5 et 10% du chiffre d’affaires des acteurs du secteur.

Des chiffres impressionnants qui inquiètent forcément et soulèvent la nécessité d’imaginer des solutions innovantes pour lutter contre ce problème de fond. Et si la solution résidait dans la technologie et l’intelligence artificielle ?

C’est sur cette idée que se lance Marc de Beaucorps lorsqu’il décide de s’attaquer au sujet. Avec son comparse rencontré sur les bancs de l’école, Théophile De Bouët du Portal, et Pierre-Alexis Gouzier, ils créent Finovox, une solution dédiée la lutte contre la fraude, boostée à l’IA, qui permet de vérifier l’authenticité des documents. 

On vous propose d’en savoir plus à travers notre rencontre avec un CEO qui s’est découvert une véritable passion pour le secteur. Avec Marc, nous sommes revenus sur la genèse du projet Finovox, mais pas que ! Entre son passage de la blockchain à l’IA, la montagne de café consommée au sein de la startup et un secret rarement avoué, l’entrepreneur nous conte son aventure sous un angle inédit.

👨‍🏫 Hello Marc ! Finovox, c’est quoi ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Finovox, c’est un outil qui permet de détecter si un document a été retouché, trafiqué, s’il provient du dark web, etc. De façon très simple, nos clients nous envoient des documents et nous, on leur dit en moins de 5 secondes, tout l’historique, toute la vie du document.

Donc s’il est passé par Photoshop, s’il a été modifié, si on a changé la date, on le détecte ! Nous repérons précisément les éventuelles modifications.

Et tout cela, nous sommes capables de le faire en… 5 secondes ! Notre secret ? De gros serveurs couplés à des modèles de machine learning.

Alors, le machine learning, c’est quoi, me direz-vous ? Il s’agit d’une forme d’intelligence artificielle. C’est tout un mécanisme qui permet à un ordinateur d’apprendre ce qu’il voit. Un peu comme les humains.

C’est-à-dire qu’on va lui donner 1000 documents falsifiés et 1000 documents qui ne l’ont pas été. L’ordinateur va apprendre à faire la différence pour qu’à la fin, quand on lui donne un nouveau document, il soit en mesure de déterminer dans quel groupe il doit être rangé. Trafiqué ou non.

🍾 Comment tout a commencé pour Finovox ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

J’ai rencontré Théophile (De Bouët du Portal) sur les bancs de la 6e. Il se trouve que nos deux noms de famille sont assez proches : voisins de table, nous sommes rapidement devenus copains, avec beaucoup d’atomes crochus.

Nous étions notamment tous les deux passionnés d’informatique. Après avoir commencé par bidouiller des systèmes d’ordinateurs et des iPhones, en avançant, nous avons poursuivi sur des projets compliqués et professionnalisants. 

Quant à Pierre-Alexis Gouzier, nous l’avons rencontré plus tard, via un ami commun. Il nous avait présentés en se disant qu’on matcherait bien. Et aujourd’hui, nous travaillons ensemble et cela fait 3 ans que ça dure.

Pour Finovox, c’est plutôt moi qui ai porté l’idée au début. Je donnais des cours sur la blockchain à l’EM Lyon. Dans ce cadre, j’ai été amené à travailler sur un système de comparaison de données interbancaires. Un truc un peu complexe, qu’une classe de CM2 ne comprendrait pas forcément !

Je ne connaissais rien à l’anti-fraude, mais je m’y connaissais en informatique. J’ai mis un pied dedans comme ça. Et quand il a fallu développer le premier produit, la seule personne à laquelle j’ai pensé pour ce projet, c’est évidemment Théophile ! Il a donc plongé avec moi.

Nous avons fini par nous passionner pour le sujet. En échangeant avec différents acteurs de la banque et de l’assurance, ils nous ont confié leurs problématiques, et notamment celle relative aux faux documents. « La fraude que vous adressez (la double modélisation), ce n’est que la 3e fraude pour nous. La première, ce sont les faux documents », nous ont-ils dit.

Ce fut un point de bascule, vers la fraude de documents, qui demande d’autres technologies. Nous avons donc délaissé la blockchain et la crypto pour aller sur l’intelligence artificielle.

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre sur Finovox, lequel ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

5… c’est actuellement la quantité en kg de café qu’on consomme par mois ! Ou plutôt qu’on épuise à une vitesse folle ! Et ce n’est pas près de descendre puisque nous sommes aujourd’hui une vingtaine. Apparemment, la fraude demande d’être beaucoup en alerte. Mais je ne sais pas comment nous avons pu en arriver là… parce que moi, je n’en bois même pas ! (rires)

Et sinon, pour un chiffre un peu plus formel et que j’aime bien :

Finovox permet de diviser par 6 la fraude subie par un assureur. Qu’un assureur reçoive 100, 1 000 ou 10 000 faux documents par mois, nous serons capables de diviser ce chiffre par 6 !

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis. Le plus gros challenge que tu as eu à affronter dernièrement ? 

J’en vois deux en particulier.

Déjà sur la partie technique, il a fallu développer un produit en mesure de détecter un maximum de faux documents. Ce sont des technologies lourdes, chères et compliquées. Et c’est un enjeu très fort. Personne n’avait développé ce genre de technologies auparavant. Ou, en tout cas, pas dans nos écosystèmes proches.

On parle ici de deeptech, qui nous a demandé de nous allier à des chercheurs, des centres de recherches. Nous sommes d’ailleurs aidés par l’État, et nous avons signé en parallèle un partenariat avec les grandes écoles Centrales. Un processus forcément fastidieux !

Le deuxième point, c’est qu’après cette première phase, ces 3 années de recherche, il a fallu créer une structure ex nihilo pour soutenir le produit qui était prêt à être commercialisé. Il nous fallait un pôle marketing, un pôle business, créer un suivi client, etc.

Nous sommes donc passés de 1 à 12 personnes sur cette structure naissante en un an. Et même de 1 à 8 en 3 mois. La construction de ce pôle était un très gros challenge, mais très intéressant.

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, Finovox, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?!

Dans 3 ans, l’objectif, c’est d’être la référence sur la fraude documentaire non plus en France, mais dans le monde ! On cible principalement l’Europe et les États-Unis. Nous sommes déjà en train de travailler sur ce déploiement. Nous collaborons déjà avec des acteurs nord-américains et souhaiterions ouvrir des bureaux soit au Canada, soit aux États-Unis. 

La solution Finovox est applicable à n’importe quel document. C’est notre grande force. Quel que soit le pays, la langue ou le format. Par exemple, pour un client français, nous pouvons traiter des documents en n’importe quelle langue, en anglais, allemand, népalais, ça n’a pas d’importance. Installer notre solution au Mexique par exemple, ne demande donc pas beaucoup de travail, au-delà de l’implémentation et de la compréhension du marché.

Mais d’un point de vue informatique, la seule adaptation à faire consiste à réaliser un croisement avec les bases de données locales. Soit une procédure minime par rapport à l’ensemble du travail déjà réalisé et agnostique à tous les documents. 

Et dans 13 ans…, c’est très compliqué de savoir où l’on sera ! Est-ce que Finovox aura ouvert un bureau sur Mars ? Peut-être bien !!

Pour le moment, du côté de l’équipe dirigeante, on aime ce que l’on fait. Nous sommes donc partis pour rester. Après, 13 ans, c’est long, il faudra se renouveler. Peut-être que nous développerons de nouveaux produits anti-fraude. Il y a beaucoup de sujets qui nous intéressent comme les détections de deep-fakes, les fakes news, etc. Globalement, savoir si une data est vraie ou pas.

Nous avons beaucoup d’idées. On les garde en tête et on se donne rendez-vous dans 13 ans pour en reparler !

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellée dernièrement ?

Il y a un chiffre qui m’a interpellé, ou plutôt deux. Ils sont tirés d’une étude de YouGov et LeLynx. Ils ont réalisé un sondage, l’étude pour moi la plus efficace car les gens sont là pour dire la vérité. Même si quelques personnes ne vont pas oser dire ce qu’elles pensent, globalement, ça fonctionne bien. 

Ils ont donc demandé à des gens s’ils avaient déjà fraudé. En 2019, 11% répondaient oui. Ce qui est déjà beaucoup. Et l’année suivante, en 2022, ils étaient 20% ! Sachant qu’on peut aussi probablement gonfler ce pourcentage avec certaines personnes qui n’ont pas osé répondre par l’affirmative. C’est un chiffre énorme. Ça veut dire qu’en France, 1 personne sur 5 fraude son assurance. Et le dit ouvertement.

On pourrait écrire des lignes sur les causes de la fraude… Déjà, il y a une question de génération. Les plus jeunes, qui maîtrisent mieux les outils informatiques, ont plus tendance à frauder, car c’est tout simplement plus simple pour eux. Mais c’est aussi une question de contexte économique qui influe à la hausse et à la baisse sur les fraudes. Quand il y a une baisse de l’activité économique, la population peut avoir tendance à davantage frauder afin de pallier ses difficultés financières.

Par ailleurs, l’assurance a une mauvaise image en France. C’est un problème de fond qui doit interpeller les assureurs. Ils gagneraient à plus communiquer sur l’impact sociétal de leur métier. Réexpliquer le concept de l’assurance et de la mutualité, et faire comprendre en quoi c’est complètement bénéfique pour tout le monde. Ils doivent aussi faire preuve de plus de transparence.

En Angleterre, la fraude est moins présente. Pourquoi ? Parce que les assureurs ont une bien meilleure image que chez nous. Les gens ont dès lors plus de scrupules à frauder. En conséquence, les assureurs sont plus souples sur les vérifications et moins embêtants quand ils doivent rembourser. Et donc les gens les aiment encore plus à ce moment ! C’est un cercle vertueux. 

Évidemment que les gens fraudent à Londres ! Mais ce remboursement plus fluide, c’est bénéfique pour tout le monde.

😋 Question bonus (et ça restera entre nous 😜). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

Je ne l’ai pas beaucoup raconté !

Nous, on tape beaucoup sur les doigts des fraudeurs, mais, je l’avoue… j’ai déjà fraudé !

Je n’étais plus étudiant, et je n’étais pas en CDI parce que je créais la société. Je n’avais que de maigres revenus à ce moment. Pour trouver un appartement à Paris ou en banlieue, c’était mission impossible.

J’ai alors fait un faux certificat étudiant de l’école de commerce ou j’étais pour pouvoir avoir un appartement… que j’ai eu ! Trafiquer un document, je sais donc ce que c’est. Parfois, on ne le fait vraiment pas de bon cœur. Après, pour ma défense, on peut dire que je connais aujourd’hui mieux mon métier !

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