Insurtech Express #7 | 7 questions à Victoire Benard d'APAM

Insurtech Express #7 | 7 questions à Victoire Benard d'APAM

Emma Diedhiou
Rédigé par Emma Diedhiou
07 avril 2023 - 7 minutes

Le climat est au centre de toutes les inquiétudes. Les aléas climatiques, de plus en plus fréquents et intenses, viennent bouleverser le monde de l’assurance. Pour ne pas se laisser distancer par dame nature, le paramétrique est apparu afin de venir soutenir le secteur.

Si les catastrophes climatiques n’épargnent aujourd’hui personne, les sociétés d’exploitations agricoles sont certainement plus exposées que la moyenne. Pour Victoire Benard directrice générale d’APAM, le paramétrique constitue une clé pour permettre à l’agriculture française de continuer à prospérer.

C’est pourquoi elle a participé à la création d’APAM, une entreprise de courtage en assurance agricole, qui promeut notamment ces modèles innovants. Découverte d’une insurtech qui se donne pour mission de pouvoir apporter une solution aux grands comme aux petits agriculteurs face à l’enjeu du siècle.

👨‍🏫 Hello Victoire ! APAM, c’est quoi ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Alors… Si je devais vulgariser le travail d’APAM. Je dirais que notre objectif est d’aider au mieux les agriculteurs à faire face à la météo qui change tout le temps ! Le but est que le monsieur qui élève des vaches comme celui qui a des pommiers puissent continuer à produire.

On a à cœur de sauver l’agriculture française, la pérenniser, d’autant plus qu’elle a été élue et reconnue comme modèle le plus durable du monde.

Avec le changement climatique, ces acteurs doivent tous les jours faire face aux différents bouleversements. On parle d’événements climatiques comme les précipitations, la sécheresse ou la grêle. On accompagne donc les agriculteurs, l’industrie agricole et les coopératives agricoles dans la transition climatique, en les aidant à optimiser leur manière de produire.

🍾 Comment tout a commencé pour APAM ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

APAM a été créée durant l’année février 2021 à la suite d’une conversation certainement arrosée entre Simon Doursat et Antoine Bourseau, respectivement spécialiste de l’assurance et viticulteur. Il s’agit de deux amis d’enfance qui, un soir, alors qu’ils parlaient boulot, ont décidé de mettre en pratique l’idée qui avait germé de leur conversation.

À l’époque (en 2019-2020), et ça n’a pas vraiment changé, les viticulteurs comme les agriculteurs faisaient face à une période difficile, avec de douloureux épisodes de gel et de grêle notamment. Et pour Antoine, sur le moment viticulteur, aucune police d’assurance ne convenait à ses besoins. Ils ont alors décidé de se lancer dans l’aventure, accompagnés de l’associé de Simon, lui-même assureur : Johan Lhuillier.

Quant à moi, je suis arrivée quelques mois plus tard. Coup du sort ou pas, mais notre rencontre s’est faite au bon moment ! Le hasard veut que pour des raisons personnelles, je venais de démissionner de mon travail dans l’humanitaire à Médecins du monde. Je cherchais alors un poste qui mélange la gestion de risque et l’agriculture.

De leur côté, les associés ont fait le constat, à ce moment-là, que les viticulteurs n’étaient pas seuls concernés par le besoin d’une couverture adaptée. C’est un sujet qui concernait tout le monde de l’agriculture. Après une rencontre lors d’un mariage et un échange avec les trois, j’ai vite intégré APAM en tant qu’associée et directrice générale pour mon expertise comme gestionnaire et ma connaissance du monde agricole.

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre sur APAM, lequel ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

Le chiffre important pour APAM, c’est qu’après deux ans d’existence, on a réussi à assurer 15 000 hectares en France. Un chiffre colossal à notre échelle ! On se rapproche doucement mais progressivement de notre objectif qui est d’être en mesure d’assurer une grande partie de la France si ce n’est toute la France.

Et en ce qui concerne le nombre de café écoulés… on ne compte plus, APAM carbure au café !

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis. Le plus gros challenge que tu as eu à affronter dernièrement ? 

À titre personnel, mon plus gros défi a été de découvrir le système et le monde de l’assurance agricole. Faire face au fonctionnement archaïque, aux questionnaires à rallonge, etc. Des procédures que je connaissais déjà bien à travers mon travail dans l’humanitaire, mais qui dans le secteur de l’assurance sont à un niveau déraisonnable.

Et en ce qui concerne le plus gros défi côté APAM, ça a été de trouver des partenaires pour couvrir TOUS les agriculteurs. Notre fil rouge est de répondre à tous les agriculteurs, de toutes tailles et pratiquant toutes les cultures. Pour ce faire, on a donc prospecté énormément de personnes dans la France entière durant toute l’année 2022. Tout se passait bien jusqu’au moment où en fin d’année, on a été confrontés à notre première grosse difficulté : notre porteur de risque principal ne voulait pas de primes en dessous de 50 000 euros.

On a décidé de faire de cet obstacle une opportunité. Celle d’aller prospecter et démarcher plus en profondeur pour trouver les porteurs de risque qui nous correspondent.

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, APAM, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?!

On espère voir APAM dans trois ans être un courtier grossiste bien identifié auprès des agents généraux et des autres courtiers. On souhaite participer à la généralisation du paramétrique, à le rendre accessible et simple à comprendre.

Le paramétrique est une notion compliquée à comprendre. Le fait qu’il existe une multitude d’options dans ce domaine est génial, mais ça vient également accentuer l’inaccessibilité du côté des acteurs du monde agricole. Le travail d’APAM serait donc de sélectionner les meilleures solutions pour chaque culture, en connaissance de cause, et de les proposer aux agriculteurs et coopératives.

Donc dans 3 ans, j’imagine APAM comme la référence paramétrique agricole en France !

Dans 13 ans… J’avoue que cette question est plutôt compliquée, APAM vient de naître et est encore en train de consolider ses fondations. Je vais donc parler plus d’un rêve ! Ce que j’avais imaginé au début, c’était une coalition dans laquelle les agriculteurs du monde entier seraient facilement assurables via de la blockchain et des données satellites. Il y a un aléa et l’indemnité est reçue dès le lendemain. Je vois également tout ceci géré via une application, qui correspondra mieux à la génération qui prend la relève.

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellée dernièrement ?

La question brûlante autour de l’assurance et du climat ces derniers mois, voire dernières années est : « est-ce que la planète est toujours assurable ? » On a vu passer de nombreux articles sur cette thématique.

Des verbatims percutants ont fait les gros titres, comme celui de l’ancien CEO d’AXA, Henri de Castries : « un monde à +2 °C pourrait encore être assurable, un monde à 4 °C ne le serait certainement plus. »

Au regard de l’évolution climatique, je me suis comme tout le monde posé cette question. L’assurance est pour moi un acteur qui a un rôle à jouer dans cette transition. Je pense également qu’il ne faut plus regarder le prisme de l’assurance que l’on a connu, mais évoluer avec le paramétrique en ciblant et en partageant son risque.

Par exemple, je possède une culture de pommes. Je sais que je peux la protéger avec un filet paragrêle mais qu’en revanche, je suis impuissante face aux rayons du soleil qui viennent la consumer. Dans ce cas, je vais choisir de m’assurer sur ce paramètre-là.

Lorsque le risque est plus précis, il devient plus facilement mesurable. C’est donc, je pense, ce qui permettra d’assurer encore pour les années à venir la planète.

😋 Question bonus (et ça restera entre nous 😜). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

Ma première anecdote, je vous l’ai déjà révélée, c’est le fait que je ne viens pas du secteur de l’assurance ! J’ai retrouvé le côté aide et humain dans le secteur de l’assurance auquel je tenais beaucoup dans le secteur de l’humanitaire.

Mon choix de changer de secteur a fortement été influencé par mon entourage. Je suis plongée dans le quotidien des agriculteurs français et ce même avant de rentrer chez APAM. Pouvoir apporter ma pierre à l’édifice pour pérenniser l’agriculture française est une grande fierté !

J’ai également une seconde anecdote qui concerne APAM. On a réussi à faire le salon de l’agriculture SIMA en novembre dernier. C’était plutôt improbable de participer, surtout lorsqu’on sait que la place vaut 40 000 euros. On a réussi à être financés par un incubateur. C’était plutôt impressionnant que l’on puisse exposer, sachant qu’on existait depuis 3 mois et qu’il s’agit d’un gros salon dans le monde agricole.